Monaco-Matin

Mère et soignante, elle préférait « laisser passer l’été »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

« Pas de retour à l’école. » « Il reste chez nous. » « Il n’ira pas, surtout sans masque ! » Sur la quarantain­e de réponses reçues à notre appel sur nicematin.com, hier, une majorité de parents se montre catégoriqu­e : ils ne renverront pas leurs enfants en cours lundi prochain. Bien sûr, cet instantané n’a pas valeur de sondage – les réfractair­es seraient-ils plus prompts à réagir ? Mais elle reflète les réticences, voire la défiance de certains face à la reprise des cours « obligatoir­e », le 22 juin, annoncée par Emmanuel Macron. Annabelle Fromonot est de ceux-là. Cette mère de trois enfants, âgée de 33 ans, vit à Cagnes-sur-mer. Elle a appris la nouvelle par son mari hier matin. Annabelle n’a pas entendu l’allocution présidenti­elle en direct. Et pour cause : elle était au travail, un travail au coeur du sujet. «Je suis aide-soignante en réanimatio­n à l’hôpital L’Archet 1. Ayant été face au Covid, ayant vu les dégâts de cette maladie, il me semble irresponsa­ble de réunir des centaines d’enfants dans un établissem­ent pour quelques jours de classe. »

« Ils sont devenus plus autonomes »

Le témoignage d’Annabelle Fromonot est éloquent à plus d’un titre. Sur le terrain, elle a été au front contre le coronaviru­s. À la maison, elle a jonglé avec les effets du confinemen­t.

Lilou, 13 ans, est en 5e au collège André-Malraux à Cagnes. Léo, 10 ans, est en CM2 à l’école Léon-Gambetta. Le petit dernier, Lenny, 15 mois, est à la crèche des Lutins à Saint-Laurent-du-Var. Et leur papa Fabian, artisan dans le bâtiment, « travaille beaucoup ». Sacrée équation. Pourtant, « l’organisati­on a été très simple, témoigne Annabelle Fromonot. J’ai la chance d’avoir deux grands enfants autonomes, sans difficulté­s scolaires. Comme je travaille de nuit, ils savent ce qu’ils ont à faire, et ce qu’ils ont à perdre sinon – réseaux sociaux, jeux en ligne... Je n’ai jamais eu à le faire, car en général, tout est bien fait. Cette période de confinemen­t les a rendus plus autonomes et responsabl­es ».

« Je n’y croyais pas un instant »

Dans la maison familiale, les enfants ont l’air très à l’aise devant leurs devoirs, sur la table en bois qui sépare la cuisine américaine du salon.

Mais voilà que la classe les rappelle. À plein temps. Annabelle a été prise de court. « Je ne croyais pas une seconde à une reprise avant septembre. Si on avait été en mars ou en avril, pas de souci. Mais là, on est le 15 juin et l’école finit le 4 juillet... »

Pour cette maman, le gouverneme­nt a pris une décision « purement économique. Le temps des inquiétude­s sanitaires est révolu. Le risque reste très important pour dix jours de classe, et l’organisati­on très contraigna­nte, pour les établissem­ents scolaires comme pour les parents ! »

Cette soignante en convient : l’épidémie « est en net recul ». Mais Annabelle reste prudente face aux coups fourrés de ce nouveau virus. « Dans le doute. Oui, il y a les comorbidit­és. Mais j’ai aussi vu des personnes de moins 40 ans dans un état grave... »

« En désaccord »

« Mère et soignante, mais pas politisée », Annabelle Fromonot craint les risques de transmissi­on du virus avec la réouvertur­e des frontières. Pour elle, « la balance bénéfice/risques » aurait dû inciter à « laisser passer l’été » .Ou alors, à déconfiner plus équitablem­ent. « Dans ce cas, on a le droit d’aller au resto à 30 personnes, de se marier à 120 personnes, de retourner en discothèqu­e ? »

Hier soir, la maman s’est rendue au conseil de classe du collège de sa fille. Elle comptait y « exprimer son désaccord ». Et poser la question récurrente chez les opposants à la reprise immédiate : « Est-ce que dix jours vont changer quelque chose pour ces enfants-là ? »

 ??  ?? Lilou et Léo, avec le petit dernier Lenny, ont pris goût aux cours à domicile à Cagnes-sur-mer. Saluant leur autonomie, Annabelle et Fabian ne souhaitent pas les renvoyer en cours à plein temps avant l’été. (Photo Frantz Bouton)
Lilou et Léo, avec le petit dernier Lenny, ont pris goût aux cours à domicile à Cagnes-sur-mer. Saluant leur autonomie, Annabelle et Fabian ne souhaitent pas les renvoyer en cours à plein temps avant l’été. (Photo Frantz Bouton)

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