Mère et soignante, elle préférait « laisser passer l’été »
« Pas de retour à l’école. » « Il reste chez nous. » « Il n’ira pas, surtout sans masque ! » Sur la quarantaine de réponses reçues à notre appel sur nicematin.com, hier, une majorité de parents se montre catégorique : ils ne renverront pas leurs enfants en cours lundi prochain. Bien sûr, cet instantané n’a pas valeur de sondage – les réfractaires seraient-ils plus prompts à réagir ? Mais elle reflète les réticences, voire la défiance de certains face à la reprise des cours « obligatoire », le 22 juin, annoncée par Emmanuel Macron. Annabelle Fromonot est de ceux-là. Cette mère de trois enfants, âgée de 33 ans, vit à Cagnes-sur-mer. Elle a appris la nouvelle par son mari hier matin. Annabelle n’a pas entendu l’allocution présidentielle en direct. Et pour cause : elle était au travail, un travail au coeur du sujet. «Je suis aide-soignante en réanimation à l’hôpital L’Archet 1. Ayant été face au Covid, ayant vu les dégâts de cette maladie, il me semble irresponsable de réunir des centaines d’enfants dans un établissement pour quelques jours de classe. »
« Ils sont devenus plus autonomes »
Le témoignage d’Annabelle Fromonot est éloquent à plus d’un titre. Sur le terrain, elle a été au front contre le coronavirus. À la maison, elle a jonglé avec les effets du confinement.
Lilou, 13 ans, est en 5e au collège André-Malraux à Cagnes. Léo, 10 ans, est en CM2 à l’école Léon-Gambetta. Le petit dernier, Lenny, 15 mois, est à la crèche des Lutins à Saint-Laurent-du-Var. Et leur papa Fabian, artisan dans le bâtiment, « travaille beaucoup ». Sacrée équation. Pourtant, « l’organisation a été très simple, témoigne Annabelle Fromonot. J’ai la chance d’avoir deux grands enfants autonomes, sans difficultés scolaires. Comme je travaille de nuit, ils savent ce qu’ils ont à faire, et ce qu’ils ont à perdre sinon – réseaux sociaux, jeux en ligne... Je n’ai jamais eu à le faire, car en général, tout est bien fait. Cette période de confinement les a rendus plus autonomes et responsables ».
« Je n’y croyais pas un instant »
Dans la maison familiale, les enfants ont l’air très à l’aise devant leurs devoirs, sur la table en bois qui sépare la cuisine américaine du salon.
Mais voilà que la classe les rappelle. À plein temps. Annabelle a été prise de court. « Je ne croyais pas une seconde à une reprise avant septembre. Si on avait été en mars ou en avril, pas de souci. Mais là, on est le 15 juin et l’école finit le 4 juillet... »
Pour cette maman, le gouvernement a pris une décision « purement économique. Le temps des inquiétudes sanitaires est révolu. Le risque reste très important pour dix jours de classe, et l’organisation très contraignante, pour les établissements scolaires comme pour les parents ! »
Cette soignante en convient : l’épidémie « est en net recul ». Mais Annabelle reste prudente face aux coups fourrés de ce nouveau virus. « Dans le doute. Oui, il y a les comorbidités. Mais j’ai aussi vu des personnes de moins 40 ans dans un état grave... »
« En désaccord »
« Mère et soignante, mais pas politisée », Annabelle Fromonot craint les risques de transmission du virus avec la réouverture des frontières. Pour elle, « la balance bénéfice/risques » aurait dû inciter à « laisser passer l’été » .Ou alors, à déconfiner plus équitablement. « Dans ce cas, on a le droit d’aller au resto à 30 personnes, de se marier à 120 personnes, de retourner en discothèque ? »
Hier soir, la maman s’est rendue au conseil de classe du collège de sa fille. Elle comptait y « exprimer son désaccord ». Et poser la question récurrente chez les opposants à la reprise immédiate : « Est-ce que dix jours vont changer quelque chose pour ces enfants-là ? »