Prison ferme dans le volet financier de l’affaire Karachi
Vingt-cinq ans après, la justice a condamné hier à des peines de deux à cinq ans de prison ferme six prévenus dans le volet financier de l’affaire Karachi pour leur rôle dans un système de commissions occultes sur des contrats d’armement avec l’Arabie saoudite et le Pakistan. Le tribunal correctionnel de Paris a durement sanctionné les anciens proches de l’exPremier ministre Édouard Balladur, en estimant qu’ils ne pouvaient ignorer « l’origine douteuse » des fonds – entre six et dix millions de francs – versés sur le compte de la campagne présidentielle de 1995. Ce premier verdict sonne comme un avertissement pour l’ancien Premier ministre et son ministre de la Défense François Léotard, dont le procès aura lieu dans les prochains mois devant la Cour de justice de la République.
Les juges ont sanctionné « une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’ordre public économique et en la confiance dans le fonctionnement de la vie publique », a fortiori de la part de personnages desquels est attendue une probité « exemplaire ». Et affirment que l’imposition d’un réseau d’intermédiaires, dit « réseau K », était « inutile » au plan commercial et avait en outre donné lieu au versement de « commissions exorbitantes », au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI) et de la Sofresa, deux entités détenues par l’État.
« Affaire d’État »
Dénonçant une « véritable entreprise de prédation » ,leparquet avait requis des peines allant jusqu’à sept ans de prison contre les six prévenus, jugés pour abus de biens sociaux, complicité ou recel de ce délit – un éventuel financement politique illégal étant prescrit. Finalement, la plus lourde peine, 5 ans de prison, a été infligée aux intermédiaires du « réseau K », l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine et son ancien associé Abdul Rahman Al Assir. Tous deux étaient absents au délibéré. Des mandats d’arrêt ont été émis à leur encontre. Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet et chef de campagne d’Édouard Balladur, et Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur du ministre de la Défense François Léotard, ont été condamnés à cinq ans de prison dont deux avec sursis, et à de lourdes amendes : le premier avait une « parfaite connaissance » de l’arrivée de 10,25 millions de francs sur le compte de campagne, et le second pour avoir imposé le « réseau K ». Thierry Gaubert, alors au ministère du Budget et impliqué dans la campagne, a été condamné à quatre ans dont deux avec sursis, et à une amende. Enfin, Dominique Castellan, alors patron de la DCNI, a été condamné à trois ans dont un avec sursis. Tous vont faire appel. Rappelant que « si les familles n’avaient pas déposé plainte, il n’y aurait pas eu ce jugement », l’un de leurs avocats, Olivier Morice, a salué «des condamnations extrêmement sévères ». « Ce que nous attendons, c’est que MM. Édouard Balladur et François Léotard puissent être jugés. On s’est moqué des Français dans ce dossier, c’est bien l’affaire d’État que nous dénoncions. »