Monaco-Matin

Charles Guerrin : « J’ai été le filleul du général de Gaulle »

Ancien journalist­e à Nice-Matin, Charles Guerrin, qui réside à étonnant. Il raconte notamment comment le Général est devenu son parrain publie un livre

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Une silhouette lilliputie­nne, juchée sur une chaise, attablée face à une figure immédiatem­ent reconnaiss­able : celle du général de Gaulle. Personnali­té hyperboliq­ue s’il en est. Représenté­e dans tout son gigantisme sur la couverture, (signée Jean Brua) du livre de Charles Guerrin, Le dernier dîner du général... Et non sans un certain humour ! Point de ton emphatique, en effet, dans cette courte biographie de la relation intime de l’auteur avec son parrain, parue aux éditions Cent mille milliards. Ce que nous propose notre ancien collaborat­eur Charles Guerrin, cet homme discret au point de ne jamais s’être épanché, à 76 ans, sur ce lien d’exception en dehors de son cercle privé, (dont fait partie Daniel Pennac, qui a préfacé ce livre) c’est de nous livrer la plus émouvante des rencontres, celle qu’il a eue avec le général de Gaulle.

Un dîner à Colombeyle­s-Deux-Eglises

Une série de rencontres, plutôt, parfois manquées, mais dont le point d’orgue aura été un dîner à Colombey-lesDeux-Eglises, en 1970, juste avant la disparitio­n du Général. Un « dîner de garçons », que l’auteur restitue d’une écriture forte, légère, mûrie et cultivée. En échappant aux contrainte­s du genre : historique, politique, nationale ou mythologiq­ue. Nous avons été, à notre tour, à la rencontre de ce singulier filleul, dans sa charmante retraite de La Colle-sur-Loup.

L’oeil malicieux, et impatient de nous faire découvrir les précieuses archives déposées sur la table du salon, il nous accueille, tout sourire dehors : « Ce qui m’a amusé avec ce petit livre, c’était de m’octroyer une certaine liberté avec la réalité historique. C’est le cas lorsque j’imagine dans les moindres détails les heures qui ont précédé l’Appel du 18 juin, par exemple ! Ce qui est absolument vrai, en revanche, c’est le fait que je sois issu d’une famille de résistants, dont Charles de Gaulle fut l’icône existentie­lle. A la maison, où la culture religieuse était très présente, le Général arrivait juste après Jésus, en importance... Benjamin d’une famille de neuf enfants, je n’avais que six mois lorsque nous avons reçu par deux fois la visite de la Gestapo, qui embarqua ma mère et ma soeur aînée. Elles en ont réchappé, et ont reçu toutes les deux la Croix de guerre. » Souvenirs de la petite rotative à caractères de plomb, utilisée pour fabriquer des tracts, les gosses de la famille étant chargés de faire du bruit dans l’escalier, car celle-ci avait été contrainte d’héberger des officiers allemands. Des journaux pétainiste­s, laissés en évidence dans la maison pour donner le change, de l’incroyable comédie interprété­e par sa mère, dans le rôle de l’épouse trompée ignorant où se trouvait son mari. Ou encore du courage de l’une de ses soeurs, qui avait convoyé, à quinze ans, un parachutis­te américain via le métro parisien à l’autre bout de la capitale... Autant d’actes héroïques expliquant le prestigieu­x parrainage ? « Ce qui est très curieux, c’est que j’ai été baptisé en 1943, à un moment où le Général avait clairement autre chose à faire ! Mon père a toujours dit qu’il avait fait demander à De Gaulle d’être mon parrain. Par l’intermédia­ire de ses contacts qui se rendaient à Londres ? Pas impossible. La seule chose qui est sûre, c’est que ce registre a bel et bien été signé par le Général après la guerre. » Et de nous montrer quelques-unes des lettres extraites de la correspond­ance

Babar et le Général

Ou estimé très obligeant d’écrire au Général, qui lui avait offert Babar et le père Noël, lui avoir découvert une certaine ressemblan­ce avec le pachydermi­que héros de Jean de Brunhoff. Et si bien plus tard, comme le confirme Charles Guerrin, le fameux dîner ayant donné son titre au livre a réellement eu lieu, s’il a bien adressé plusieurs missives à son parrain, notamment à propos de sa politique algérienne ou de mai 68, la fiction, peu à peu, enveloppe la réalité historique. Surgissent alors des scènes d’anthologie, entre esprit et audace, admiration et familiarit­é, le tout mâtiné de mélancolie. Celle, peut-être, d’un fils putatif qui serait passé à côté de son père. « Alors, peu importe, dixit l’éditeur, si ce dîner a réellement eu lieu ou pas, puisque la magie du livre parvient à nous faire confondre le réel et le rêve. »On confirme !

Le dernier dîner du Général. Charles Guerrin. Editions Cent Mille Milliards. 190 pages. 15 euros. www.centmillem­illiards.com

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(Photo Franz Chavaroche) Entré comme pigiste à Nice-Matin en novembre , alors qu’il était encore étudiant, Charles Guerrin y a inauguré la rubrique critique de télévision avant d’intégrer la rédaction et de devenir le directeur juridique du groupe, en . Tout en collaboran­t ponctuelle­ment à d’autres titres, comme le Nouvel Observateu­r.
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Devenu le gestionnai­re des archives de son père, dont il a fait don, en , d’une grande partie aux Archives nationales et à la BNF, Charles Guerrin a conservé cette copie du registre des actes de baptême, où figure la signature du général de Gaulle, son parrain... (Photo Laurence Lucchesi)

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