Monaco-Matin

La Varoise Colette Lacroix entre dans la Résistance à  ans

- RECUEILLI PAR R.M.

Les honneurs, ce n’est pas son truc. Colette Lacroix a cependant reçu la Légion d’honneur et la médaille de la Résistance. « Bon ! », dit-elle avec un grand sourire, en haussant les épaules, comme si tout le monde pouvait en avoir fait autant : s’engager à seize ans dans la Résistance et réaliser d’incroyable­s exploits.

Puis, elle fait silence un petit instant et précise tout de même : « Dommage, tout le monde n’a pas suivi. » Il faut dire que son parcours dans la Résistance ressemble à un scénario de film, où il faudrait préciser que toute ressemblan­ce avec une personne existante n’est pas fortuite. Car Colette Lacroix, 96 ans aujourd’hui, vit à La Garde dans le Var et raconte avec humilité ses souvenirs de guerre et de maquis, qui ne l’ont pas empêchée d’avoir son bac philo en 1942 et son premier enfant en 1944, avec un résistant qui devient son mari.

Avez-vous entendu l’Appel du général de Gaulle le  août  ?

Oui, j’étais dans la mairie de Corcelles, dans l’Ain, quand je l’ai entendu. J’étais avec le maire et ma mère. Elle était secrétaire de mairie et institutri­ce. Elle remplaçait mon père prisonnier en Allemagne. On attendait cet appel car on espérait avoir des nouvelles des soldats, et moi de mon père. Mais on ne s’attendait pas à ce discours du général de Gaulle.

Vous souvenez-vous de ce que vous avez ressenti ?

Je me suis dit, il faut partir en Angleterre. J’avais  ans, alors onm’adit:« Tiens-toi tranquille ! » Je suis partie avec quatre copains. Un bateau nous attendait à Collioure. On a été dénoncés et arrêtés à Bourg-enBresse, où je suis née. J’ai vite été relâchée à cause mon âge. Je ne suis pas allée en Angleterre mais j’ai pris le maquis et rejoint le mouvement Libération.

Quel était votre rôle ?

Au début, je distribuai­s des tracts et je vendais des portraits de De Gaulle pour financer la Résistance. D’ailleurs, quand j’ai été arrêtée, j’en ai proposé un à mon avocat. Il l’a acheté et m’a dit que j’étais indéfendab­le.

Et ensuite ?

J’ai été recrutée par les Anglais, enfin moi et Libération, et j’ai rejoint le réseau Pimento. Mon patron, c’était Théodore un jour, Tony, un autre. Son vrai nom, c’était le Brooks, major Brooks.

On cherchait des terrains pour les parachutag­es. On réceptionn­ait les parachutis­tes. On les cachait aussi. J’ai dormi dans des granges, à la belle étoile, dans des trains abandonnés... Partout !

Vous étiez de toutes les aventures...

Oui. J’ai fait sauter des routes, des trains... J’étais experte en imitation de signatures pour les faux papiers. Je récoltais aussi de l’argent pour les réfractair­es du STO, le service du travail obligatoir­e. J’ai surveillé Klaus Barbie (), dans un train qui allait à Sète, où on pensait que le Débarqueme­nt allait avoir lieu. Il fallait le surveiller pour pouvoir l’interpelle­r.

Tout à coup, le train s’est arrêté, avant d’être arrivé. J’ai fait un grand sourire aux gardes de Barbie et je leur ai demandé ce qui se passait. Barbie leur a dit de

Et la peur dans tout ça ?

J’ai eu peur quand j’ai fait sauter mon premier pont car une pierre a giclé et a atterri près de moi. J’ai eu encore plus peur en . Je venais d’accoucher. Mon fils avait quinze jours. C’était à Montauban. On nous avait dit de partir car les Allemands arrivaient. À la gare, les Allemands de la division Das Reich m’ont arrêtée. L’un a pris mon bébé, l’autre ma valise. Un poste émetteur était caché sous le linge du bébé. Il n’a pas fouillé en dessous. Ensuite, ils ont fait descendre quelqu’un du train et m’ont installée à sa place.

Et si c’était à refaire ?

Je le ferai mais peut-être autrement. Avec plus de lucidité. 1. Officier de police SS sous le régime nazi et criminel de guerre.

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(Photo Frank Muller) Colette Lacroix : « On cherchait des terrains pour les parachutag­es. »

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