Il faut sauver le soldat Perle
Cinq jours après l’incendie du sous-marin nucléaire d’attaque à Toulon, tous, les marins comme l’industriel Naval Group, espèrent pouvoir réparer le bateau. Mais la réponse n’est pas pour demain
Des compartiments complètement calcinés où même les racks en métal semblent avoir été déformés par la chaleur… Les photos du violent incendie qui a ravagé le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Perle, vendredi dernier, n’ont pas tardé à circuler sur les réseaux sociaux. Mais surtout sous le manteau.
Si ces clichés, pris dans une installation nucléaire de base secrète (ISBN), elle-même située à l’intérieur de la base navale de Toulon, n’auraient jamais dû être diffusés, ils donnent une idée de l’état du submersible. Et interrogent sur la réparabilité ou non de l’un des cinq SNA de type Rubis encore en service.
Ces photos « interdites », le capitaine de vaisseau Pierre Rialland les a sans doute vues. Le commandant de l’escadrille des SNA de la Méditerranée, en cellule de crise dès le déclenchement de l’alarme incendie à bord du bateau noir, a surtout assisté au drame en direct. « Pour les marins, un bateau, c’est l’endroit où l’on vit, où l’on travaille. C’est dur de le voir brûler », confiait-il mardi, quatre jours après le sinistre.
Encore plus quand on a navigué dessus. « Comme sous-marinier, j’ai 30 000 heures de plongée, 21 patrouilles, dont 4 à bord de la Perle », déclare le commandant Rialland.
Beaucoup d’émotion
Mais, l’émotion évacuée, le sousmarinier est vite passé à autre chose. À savoir : l’avenir de la Perle .« La question de la réparation de la Perle est une équation complexe. Outre l’état de la coque épaisse qui a pu souffrir de la forte hausse de la température pendant l’incendie, il faut prendre en considération le coût du remplacement du câblage qui a fondu, la nécessité de faire des travaux sur les bassins Missiessy en vue de l’arrivée des SNA de nouvelle génération. La décision de réparer ou non le sousmarin ne se fera pas sur un coin de table. »
Si toutes les hypothèses – le retour de la Perle dans la flotte sousmarine, la prolongation des autres SNA de type Rubis, ou l’accélération de leur remplacement par les submersibles de la classe Suffren – sont envisagées par la Marine nationale, chez Naval Group, l’industriel qui avait la responsabilité de la Perle au moment de l’incendie, on n’imagine pas que le sous-marin soit condamné. « Je n’ai pas entendu l’expression «pas réparable » en interne. On fera tout pour sauver notre Perle », assure Hélène Mourniac, la directrice de la communication de Naval Group à Toulon.
Sauver le soldat Perle. Telle est l’obsession de l’industriel qui doit réaliser une expertise technique une fois que le sous-marin sera accessible (1). C’est en tout cas le message passé par Pierre-Éric Pommellet, le tout nouveau P.-d. g. du groupe, présent à Toulon samedi lors de la venue de la ministre des Armées Florence Parly, et qui est resté sur place jusqu’à lundi afin d’échanger sur l’incendie avec les personnels et les partenaires sociaux.
« Un moment d’émotion. L’incendie de la Perle, un bateau qu’on a conçu, construit et entretenu, ça a touché tout le monde dans le groupe », commente Hélène Mourniac.
Le syndicat CGT critique
L’avenir de la Perle, que personne n’imagine partir à la casse, a même donné lieu à la création d’un programme éponyme. « Le P.-d. g. fait du programme Perle une ambition d’entreprise », apprend-on même des organisations syndicales, qui participaient, lundi, à un comité social et économique (CSE). Tout autant affecté par ce sinistre – « cet accident nous fait du mal » –, un représentant de la CGT se montre très critique. « C’est arrivé à l’endroit où ça ne devait pas arriver. L’endroit où c’est le plus carré, où il y a le plus de procédures. Cet incendie n’est pas qu’un accident, c’est la conséquence de 20 ans d’économie sur l’apprentissage ».
Il insiste en parlant de « glissement des compétences, d’un certain laxisme qui s’est installé petit à petit, y compris aux sous-marins, sanctuaire des sanctuaires au niveau des procédures et des process ».
Avant même de savoir le sort réservé à la Perle, le représentant de la CGT affirme : « Un changement est nécessaire. On ne pourra pas continuer sur ce rythme effréné où seuls comptent le coût et les délais ».
1. Pour l’heure, seuls les gendarmes maritimes, qui travaillent sur l’enquête judiciaire confiée au parquet de Marseille, montent à bord du sous-marin Perle.