Travaux : la face cachée du lycée Masséna
Classé monument historique, cet établissement manque de soins selon le comité d’hygiène et de sécurité qui pointe des désordres « inquiétants ». Pour la Région, tout a été sécurisé
Derrière sa façade en pierre de taille et son architecture remarquable, le lycée Masséna, classé monument historique depuis mars 2017, n’affiche pas une santé éclatante. L’état de cette vieille dame de 208 printemps s’étiole lentement selon le comité d’hygiène et de sécurité de l’établissement. Le 14 février, il adressait à la Région Sud-Paca, en charge des lycées, une longue liste de dysfonctionnements «inquiétants ». Sont pointés des « chutes d’éléments de corniche à la verticale de l’entrée des réfectoires des élèves », des vitres qui tombent « lors de coups de vent », des éléments de zinguerie qui se décrochent et une « accumulation extrêmement inquiétante de points de dangerosité » (lire cidessous).
Le 5 mars, le conseil d’administration du lycée mettait la deuxième couche, en adoptant une motion sur « l’urgence des travaux de sécurité à réaliser sans délai » et l’élaboration d’un « livre noir ».
« Petits désagréments devenus problèmes de sécurité »
Ce livre est un recueil de photos sur les désordres dans ce lycée d’excellence. « Depuis 2006, on parle de rénover notre établissement. En quatorze ans, ce projet n’a jamais réellement commencé, il n’y a eu que des rénovations partielles, attaque Marc Humbert, enseignant membre du CHS et élu Snes-FSU au conseil d’administration. Au fil du temps et faute de soins, les petits désagréments se sont aggravés pour devenir des problèmes de sécurité ». Problèmes réglés selon PierrePaul
Léonelli, adjoint au maire et conseiller régional siégeant au conseil d’administration de Masséna : « toutes les zones à risques ont été purgées, étayées et mises en sécurité. »
Dans le viseur de l’enseignant qui se définit « lanceur d’alerte » : le chantier de 15 millions d’euros. Annoncé en décembre 2016, il devait donner lieu à deux à trois années de gros travaux « repoussées aujourd’hui dans cinq à dix ans » accuse-t-il.
De son côté, la Région explique qu’entre-temps, le lycée Masséna a été classé monument historique. Des fondations aux toitures, de la tour de l’horloge aux jardins et aux clôtures, tout est protégé. Une protection qui a ses contraintes. « Pour chaque intervention, il faut demander l’accord de la (direction régionale des Affaires culturelles). Quant au coût des réparations, il est multiplié par trois ou quatre, évalue Pierre-Paul Léonelli. Ce lycée n’est pas laissé à l’abandon. Faut arrêter de croire que rien n’y a été fait. »
Un projet controversé
Dans ce chantier figurait, entre autres, la réhabilitation de 104 chambres de l’internat pour les étudiants de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Un projet d’actualité puisque les études sont en cours pour un « début des travaux repoussé en 2022 et une livraison en 2025 », note Marc Humbert. Mais c’est le projet en lui-même qui a déclenché la motion du conseil d’administration et la colère des enseignants.
« Une partie de ces chambres individuelles de 8 m2 chacune serait transformée en chambres triples de 16 m2. Ce qui est absurde quand on connaît la charge de travail imposée en prépa, proteste ce prof de CPGE. Pour quelques places en plus, on va ruiner la qualité de vie, de sommeil et de travail de ces étudiants. » Cela, sans parler de la distanciation physique difficile à garder quand on partage 16 m2 à trois.
« Nouvelles propositions »
Pour l’élu niçois, qui préside l’Agence régionale d’équipement et d’aménagement intervenant dans la construction et la réhabilitation des lycées, c’est un préprojet qui n’a jamais été entériné. « Les architectes étudient trois scénarios : des chambres individuelles, doubles et triples. Ce sont les étudiants pensionnaires qui choisiront. Pas les profs » prévient-il en ajoutant : «Aulycée Thiers à Marseille, les internes en classes prépas ont préféré les chambres doubles et triples. »
Et d’expliquer que la crise sanitaire, le confinement ont gelé provisoirement l’étude du dossier. « J’imagine, poursuit Léonelli que les architectes nous feront de nouvelles propositions que nous relayerons auprès du conseil d’administration de Masséna. » Justement une réunion imminente est prévue au lycée, pour faire le point sur les 9 millions d’euros de rénovation de l’internat. À suivre donc…