Nikos Aliagas « Objectif Cannes ! »
L’animateur TV vient sur la Croisette en tant que photographe, pour son exposition Thalassa : peuple de la mer, inaugurée à 18 h, avec des clichés pris dans la cité des Festivals
D’habitude, il vient sur la Croisette pour donner de la voix. Ambiance paillettes. Présentateur vedette. Costume réglementaire du saltimbanque cathodique. Énergie speed et discours convenu de l’amuseur public. Mais le Nikos Aliagas qui se présente aujourd’hui vaut le coup d’oeil. Exprime un regard singulier. Authentique. Plus posé et intime. En lien avec les autres, comme avec ses racines. Photos noir et blanc pour révéler la mer et ses gens. Couleurs et humeurs. En toute discrétion, l’artiste est venu dans cette cité qu’il connaît bien. Clichés hors clichés. Sans tricher ni surjouer. Images pour langage, commun aux fils de Méditerranée. Exposition. Sans surexposition.
À Cannes en tant que photographe ?
C’est bien aussi. Je viens souvent à Cannes comme simple citoyen. Y venir pour une expo, c’est très gratifiant et un peu stressant, car je viens seul et non pas entouré d’une équipe de personnes. Cette ville me faisait rêver quand j’étais gamin. Adolescent, j’y suis venu avec mon père dans l’ébullition du Festival, puis comme présentateur des NRJ Awards. Je n’y ai pas de résidence secondaire mais je m’y sens comme chez moi, j’ai une relation affective avec cette ville.
Parmi vos clichés cannois, la grâce d’une danseuse « étoile des mers » et les mains rugueuses d’un pêcheur et son filet ?
Cannes est un phare avec ses paillettes, mais ceux qui la font vivre ne sont pas des gens de scène. J’ai vu cette danseuse, jeune élève de l’école Rosella Hightower, et elle est devenue une sorte de personnage mythologique, telle une vestale antique. Ce pêcheur, il y a ans, c’était le même, avec les mêmes mains. Sur Sainte-Marguerite, pareil avec les moines du monastère Saint-Honorat, entre pénombre et lumière. Cette intemporalité de Cannes m’a intéressé, et j’y ai photographié les gens que je rencontrais.
Des gens de la mer, qui vous renvoient aussi à vos racines méditerranéennes ?
Ils ont une philosophie différente de l’existence. Le marin qui part en mer sait qu’il peut ne pas revenir, que la vie n’est pas acquise. Malgré leur ligne d’horizon infinie, ils ont conscience de la finitude. Ils ne sont pas impressionnés par les stars car ils connaissent le prix des mains plongées dans le sel. Moi, je viens de ce monde-là, où les gens sont riches de ce qu’ils sont…
À travers vos photos, vous vous dévoilez aussi, au-delà du présentateur vedette ?
Dans ce costume, je ne fais qu’un métier, que j’ai appris. Journaliste, je ne connaissais pas le divertissement, j’y suis arrivé par hasard et au départ, le costume n’était pas à ma taille, je l’ai ajusté. Mais je suis de moins en moins dans la posture à la télé, je me contente surtout d’accompagner. C’est là que la photographie est revenue dans ma vie comme une nécessité, une urgence, une intimité, un lien avec les autres.
Quête en images intitulée À l’épreuve du temps. Obsession ou angoisse ?
Juste une reconnaissance du temps qui passe. En Occident, on veut rester jeunes en ayant recours à certains procédés, mais le pêcheur connaît le temps, le lit dans le ciel, et l’assume. Je n’ai pas peur de la finitude, au contraire, ça me renvoie sans doute à mes ancêtres, mon père, et je suis dans l’acceptation.
L’arrêt sur images, c’est aussi une façon de ralentir votre rythme ?
Peut-être. Quand je tourne une émission, j’ai une horloge dans la tête, mais mon temps de vie n’est pas le même, c’est un temps plus intime, le temps du Dieu grec Kairos, connecté à ton destin. C’est dans ce temps-là que je fais de la photo.
‘‘
J’ai une relation affective avec cette ville”
‘‘
La photographie est revenue dans ma vie comme une urgence”
La photo, sens ou esthétisme ?
C’est d’abord un cadre, elle existe déjà, elle m’attend, c’est une reconnaissance qui allie esthétisme et sens. C’est la révélation d’un instant, d’une âme, d’une personne et de tout ce que l’on ne voit pas…
Votre autoportrait, le vrai Nikos ?
L’autre n’est pas le faux, c’est juste le Monsieur de mon travail ! (rires)