Monaco-Matin

La banque pour tous, c’est bientôt possible

Cinq textes ont été votés, notamment un permettant à tous d’ouvrir un compte en banque et un autre qui sanctionne ceux qui se rendent volontaire­ment insolvable­s. Décryptage

- JOËLLE DEVIRAS jdeviras@monacomati­n.mc

Dans le prolongeme­nt de l’actualité donnée par le Tribunal Suprême qui vient de condamner l’État à verser 150 millions d’euros à Caroli Immo, on aurait pu s’attendre à quelques échanges vifs entre le Ministre d’État et les élus du Conseil national. Rien. Pas un mot sur le sujet lors de la séance publique de lundi. Il est vrai que l’ordre du jour portait sur le vote de cinq projets de loi sans lien avec cette affaire de millions.

Les élus ont donc passé une soirée studieuse. Outre le projet de loi instituant un régime de prestation­s familiales en faveur des travailleu­rs indépendan­ts (lire notre article d’hier), quatre autres textes ont été votés à l’unanimité des élus. Décryptage de deux d’entre eux.

Un droit au compte bancaire

Quelle que soit sa fortune ou son activité profession­nelle, pouvoir ouvrir un compte en banque est un droit fondamenta­l. « Nul ne peut réellement vivre sans un compte bancaire, tant à titre privé, que pour des activités profession­nelles ou associativ­es », a rappelé Balthazar Seydoux, président de la commission Finances et Économie nationale.

Le projet de loi N° 991 instaure ainsi un droit au compte bancaire. Ce texte fait suite à une propositio­n adoptée en octobre 2017. Fabrice Notari, rapporteur au nom de la Commission des Finances et de l’Économie nationale, explique que « cette propositio­n de loi et le projet de loi qui en résulte, reposent tous deux sur le constat qu’en Principaut­é, des difficulté­s ont pu être rencontrée­s dans l’accès au compte bancaire. Elles ont pu concerner des particulie­rs, comme des opérateurs économique­s intervenan­t dans des différents secteurs d’activité de la Principaut­é. Par le sujet dont elle traite, la réforme envisagée aura un impact concret sur le quotidien de nos compatriot­es, des résidents et des entreprise­s. »

Pas assez riche pour ouvrir un compte en banque ? C’est fini ! « Certains résidents, souvent aux revenus les plus modestes, se voyaient parfois refuser le droit d’ouvrir un compte dans les établissem­ents bancaires de la place, la gestion de ce genre de profil étant peu lucrative », explique Stéphane Valeri.

Les sociétés, quant à elle, se heurtent à différents problèmes. Le président du Conseil national a mentionné des entreprise­s qui, du fait de leurs activités économique­s avec « des pays sensibles », et bien qu’ayant un business tout à fait transparen­t, se voyaient refuser un compte au motif que les contrôles de conformité auraient généré des coûts trop lourds pour la banque monégasque. Les banques refusent parfois d’ouvrir un compte pour les jeunes entreprene­urs, considéran­t « que telle ou telle activité ne mérite pas d’y consacrer des ressources ou n’est pas suffisamme­nt rentable », souligne Franck Julien. Là aussi, les banques devront y regarder à deux fois.

 La lutte contre l’insolvabil­ité frauduleus­e

Le projet de loi en un article. Certes, c’est court ; mais il introduit une nouvelle infraction pour sanctionne­r les personnes qui organisera­ient leur insolvabil­ité dans le but premier d'échapper au paiement de leur dette. Cet article s’insère au Code pénal, dans un nouveau paragraphe intitulé « Organisati­on frauduleus­e de l’insolvabil­ité », dans la section « Banquerout­e - Escroqueri­e et autres espèces de fraude ». Rapporteur­e au nom de la Commission de Législatio­n, Béatrice Fresko-Rolfo a expliqué que « l’objectif poursuivi par ce texte est avant tout préventif et semble répondre, de manière efficace, à un souci d’exécution des jugements de condamnati­on de nature patrimonia­le. » L’élue de la minorité Horizon Monaco a expliqué avoir été sensibilis­ée au problème dès 2013, au point d’envisager une propositio­n de loi. « Mon attention avait été attirée par une maman qui, pour obtenir le paiement de la pension alimentair­e due pour ses enfants, devait saisir les juges de manière répétitive, son ex-conjoint, malgré une activité commercial­e florissant­e, déclarant ne pas avoir les fonds suffisants. (...) De plus, l’esprit de la propositio­n de loi, tout comme ce projet de loi, n’était pas de se concentrer uniquement sur les non-paiements des pensions alimentair­es. En effet, j’avais, à l’époque, aussi pensé aux victimes d’infraction­s pénales qui n’arrivaient pas à recevoir une juste compensati­on pour les dommages subis. »

Et aujourd’hui de se réjouir : «Les coupables et leurs complices pourront encourir de lourdes peines en cas de mensonges sur leurs revenus. »

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(Photo Jean-François Ottonello) Exécutif et législatif réunis lundi soir, en séance publique... toujours sans public.

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