« Les berges du Loup, c’est devenu la plage de Cannes »
Séparant les territoires communaux de Tourrettes-sur-Loup et Gourdon, cet endroit est « surfréquenté ». Certains riverains montent au front pour sauvegarder sa biodiversité mais pas que
Pour toucher des doigts « ce coin de paradis », il faut esquiver la barrière amovible indiquant que l’accès est « formellement interdit ». Une fois sur le chemin ombragé qui longe le Loup, on en prend plein les mirettes. France, Corinne et Olivier en ont, eux, plein le dos. Ces riverains ont leur terrain attenant au chemin – sur la commune de Tourrettes-surLoup – qui longe les berges du fleuve côtier. « Depuis 56 ans, l’endroit est victime de son succès », s’inquiète France. Elle est la présidente de l’association de protection des riverains et des écosystèmes du Loup (APREL) qui regroupe six familles. « Les gens se sont approprié le lieu. Et je les comprends vraiment, c’est magnifique ici. On sait que notre action va être impopulaire mais ça ne peut plus continuer, il faut les fermer. Les berges sont devenues la plage de Cannes », poursuit-elle.
Une biodiversité à préserver
Alors, le 15 juin, la riveraine a envoyé une lettre au préfet des Alpes-Maritimes l’informant de la situation. « 35 000 personnes en juillet et 38 000 en août dernier ont été relevés par le parc naturel régional qui avait installé un compteur. » S’ajoutent à cela, « des centaines de canyoneurs par jours ». L’association a soulevé trois problèmes. Le premier : la mise en danger de la biodiversité. La zone, classée Natura 2000, héberge « de nombreuses espèces endémiques » : « C’est vraiment un endroit fragile et précieux, autant dans l’eau qu’en dehors », appuie Olivier.
Un pan de falaise s’est effondré
En plus de cette protection, la dangerosité du site et plus particulièrement un tronçon est dans le viseur des habitants. Et c’est justement pour cette raison qu’un arrêté municipal, sous la mandature de Damien Bagaria, a été pris le 24 décembre dernier. Il interdit l’accès au sentier. Les intempéries de cet hiver ont engendré un gros éboulement. « La barrière et les affiches à l’entrée du chemin ne servent pas à grandchose. À la fin de la journée, tout est enlevé », souffle France. Au bout de 10 minutes de marche, on ne peut que constater les dégâts. Un flanc de la montagne s’est détaché. Des tonnes de pierres jonchent le chemin et les berges du Loup (photo en haut à droite). « Même ce passage dangereux n’arrête pas les promeneurs, ils traversent alors qu’il y a un vrai risque que d’autres roches tombent », insiste France.
Les berges du Loup sont privées
Le troisième problème – et pas des moindres –, c’est que le chemin s’avère être… Privé. À en croire le cadastre du territoire de Tourrettessur-Loup et les dires de l’ancien maire de la commune et de celui de Gourdon, il ne s’agit pas d’un chemin communal. D’ailleurs, les riverains l’empruntent chaque jour pour se rendre chez eux. Ce qui implique, selon la loi (1), que « le lit des cours d’eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives. Si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d’eux a la propriété de la moitié du lit (...)». Quand France a appris la nouvelle, il y a peu, elle est tombée des nues. « Nous sommes donc responsables pénalement de nos parcelles. S’il y a un problème et que quelqu’un se retourne contre nous, on peut être condamné ». Autant de raisons et surtout de risques qui poussent ces riverains à demander «lesoutien des institutions » pour appuyer leur envie de fermer les berges. «Onneveut pas non plus mettre à mal les commerçants de Pont-duLoup mais il faut préserver cet endroit. Pourquoi ne pas faire des petites sorties à 20 personnes pour justement les sensibiliser à cette nature et a son importance ? », projette la présidente de l’association. Qui revendique se démener avant tout «pourlelieu».