Monaco-Matin

Aux assises, vol au-dessus d’un nid de rapaces

Danièle Ritorto, tuée à Menton en 2016, était une veuve « aisée, généreuse, au caractère parfois impossible ». Sa femme de ménage et son chauffeur sont jugés depuis hier

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Valérie Pisano, 56 ans, est une auxiliaire de vie accusée d’avoir donné… la mort. Elle aurait étouffé avec un coussin Danièle Ritorto, 74 ans, sa patronne, à son domicile mentonnais, rue Albert-Ier. Retraitée aisée, veuve sans enfant, à la fois joviale et exigeante, elle avait été retrouvée morte dans son lit le matin du 30 mars 2016 par sa nouvelle femme de ménage – elle en changeait souvent –, Dominique S, son homme de confiance et le concierge. Un décès a priori d’origine naturel. La défunte était obèse, impotente et cardiaque. Un an plus tard, coup de théâtre. Valérie Pisano, entretemps reconverti­e en vendeuse en boulangeri­e à Roquebrune, est arrêtée. Dominique S., agent de la Métropole de Nice, est également placé en garde à vue.

Etouffée ou étranglée

Un médecin légiste a découvert lors de l’autopsie que la mort de la retraitée était « consécutiv­e à un syndrome d’asphyxie mécanique » .En clair, Danièle Ritorto a été étouffée ou étranglée. Des ecchymoses ont été relevées sur son front et ses poignets. Des traces d’anxiolytiq­ues qui ne lui ont pas été prescrits, intriguent. Autre élément troublant : sa carte bancaire a été utilisée post-mortem ! De quoi attiser la curiosité de la brigade criminelle de la Sûreté et d’un juge d’instructio­n.

Les policiers accumulent des indices au fil des semaines. Ils découvrent que Valérie Pisano est acculée par les dettes. Danièle Ritorto s’était aperçue qu’elle lui avait dérobé trois chèques. Les deux femmes devaient s’expliquer le 29 mars. « Si elle ne s’engage pas à me rembourser, je porte plainte contre elle » ,aurait-elle confié. Une menace en l’air, selon Angela, l’une de ses amies : « Valérie lui avait dit qu’elle était perturbée à cause de la mort de son père. » Ce mensonge avait suffi à amadouer sa patronne avant même le rendez-vous. Valérie Pisano a-t-elle commis l’irréparabl­e pour éviter de rembourser une somme de 300 euros ? Elle doit répondre d’un assassinat et du vol de trois chèques. Son ADN a été retrouvé sous les ongles de la victime et vient alourdir un peu plus le dossier d’accusation.

Celle qui, jusqu’à présent, n’était connue de la justice que pour un vol de chèque il y a plus de vingt ans, encourt la perpétuité vendredi, au moment du verdict. Dominique S., le chauffeur de Danièle Ritorto, risquera cinq ans de prison. Lui est poursuivi pour le vol de la carte bancaire de la défunte. Il a retiré plus de 2 000 euros à Menton et Nice. Agent de la Métropole en congé longue maladie, on lui reproche son travail dissimulé de chauffeur.

« J’ai voulu me protéger »

Chemisier satiné, cheveux tirés en queue-de-cheval, Valérie Pisano est une quinquagén­aire fluette plutôt soignée. Sa présentati­on sobre est très éloignée des photos postées sur les réseaux sociaux où elle apparaît sourire éclatant, cheveux blond platine, coupe de champagne à la main et hauts talons.

Aux premières questions du président Didier Guissart, l’accusée est sur la défensive : « Mme Ritorto ne voulait plus me payer. Je lui ai pris des chèques. Je n’ai jamais eu l’intention de lui donner la mort. Je voulais simplement me protéger quand elle m’a frappée avec sa canne. » L’a-t-elle droguée peu de temps avant le décès, ce qui signerait la préméditat­ion du meurtre ? Valérie Pisano nie catégoriqu­ement.

Les experts qui l’ont examinée ne détectent chez elle aucune maladie mentale. Fille unique de bouchers, divorcée deux fois, mère de deux enfants, Valérie Pisano est dépeinte comme « une femme travailleu­se » qui tirait sans cesse le diable par la queue. Danièle Ritorto, elle, détestait la solitude. Elle aimait prêter de l’argent. Une manière d’avoir une cour d’obligés à ses côtés. Angela, une intime, lui reprochait souvent : « Elle pensait avoir de la valeur en parlant de son argent. Elle avait un caractère impossible mais aussi beaucoup d’autres qualités. » Rosy, amie d’enfance, en témoigne : « Elle tutoyait facilement, invitait volontiers au restaurant… Elle faisait confiance. Du coup il y avait beaucoup de rapaces autour d’elle. »

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(DR) Valérie Pisano avait des difficulté­s financière­s. Le mobile du crime ?

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