Monaco-Matin

« Tant qu’il y aura des cons il y aura des humoristes ! »

Le comédien, qui a publié L’Alphabêtis­ier, un dico décalé sur des mots qui n’existent pas, reprend également les tournages. Il sera d’ailleurs sur la Côte d’Azur ces jours-ci pour un film.

- PROPOS RECUEILLIS PAR AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

L’ancien « Inconnu » est sur tous les fronts. Humoriste, comédien, metteur en scène – il a notamment mis en scène l’Azuréen Laurent Barat – Pascal Légitimus a repris le chemin des tournages. Il sera d’ailleurs à Mandelieu ces jours-ci, pour un film du Cannois Frédéric Cerulli. Auteur également, il a aussi repris la promo de son livre, L’Alphabétis­ier (avec Gilbert Jouin, aux éditions Michel Lafon), un dico décalé qui répertorie des néologisme­s de sa création. Totalement loufoque mais sérieux, dans le fond, à son image.

Ce livre, L’Alphabêtis­ier, c’est une idée amusante…

[Il demande si on l’a lu et comment on a trouvé, on répond qu’on l’a parcouru, que certaines entrées nous ont fait plus rire que d’autres, ndlr] Chacun y trouve ce qu’il veut, il y a beaucoup de philosophi­e en fait. C’est un point de vue sur la société, sur les gens, sur la vie en général. Évidemment, je me devais de faire quelque chose sur le ton de la comédie ! Il y a des choses qui font sourire, réfléchir, rire, ça dépend des gens.

Vous dites souvent que le rire, juste pour rire, ça ne vous intéresse pas ?

Ah, c’est vrai. Dans toute ma carrière, que ce soit scène, téléfilm, film, théâtre, où je m’engage, il faut qu’il y ait une résonance sociale. J’ai l’impression d’être plus utile. J’ai des cousins très drôles, sûrement plus drôles que moi, qui balancent des blagues de Toto ou racontent des bonnes blagues à la Bigard, moi je suis incapable de faire ça. Je suis un acteur, un créatif. Et c’est vrai que, quand j’édite quelque chose, il faut absolument qu’il y ait du sens.

Qu’est-ce qui vous donne envie d’écrire ?

La bêtise humaine. Et il y en a beaucoup. Tant qu’il y aura des cons, il y aura des artistes, des humoristes ! Je pense qu’un enfant ne naît jamais bête, je pense que c’est la famille qui crée des monstres, que le mal du siècle c’est la carence affective, cela fait qu’à un moment donné, les gens sont en perdition. Les artistes, sans prétention aucune, on essaie d’avoir une vision pour rééquilibr­er un peu. Certains font ça pour s’enrichir aussi ! (rires) Moi, comme mes camarades des

Inconnus et d’autres, on fait ça pour donner du sens.

Si le trio des Inconnus existait encore, sur quoi écrirait-il ?

On a tellement dit de choses, on s’est rendu compte, hélas, que tout était encore valable !

Les critiques sur certains sketches de l’époque, vous les prenez comment ?

Il n’y a pas de critiques ! Sur les réseaux sociaux, ça ne m’intéresse pas. On ne peut pas plaire à tout le monde. Certains adorent Gainsbourg, d’autres le trouvent vulgaire… Souvent, on me demande : “Est-ce que les Inconnus pourraient faire la même chose aujourd’hui ?”, et je dis oui, ça dépend de la forme. La différence entre hier et aujourd’hui, c’est que les gens s’expriment plus facilement. À l’époque, ils envoyaient des lettres aux chaînes de télé et on ne le savait pas.

Que vous inspirent les soulèvemen­ts actuels contre le racisme ordinaire ?

Ça fait des années que j’entends ça, ça bougeotte mais… Quand j’ai démarré c’était pareil. Je dis : comment peut-on reprocher à quelqu’un ce qu’il n’a pas choisi d’être ? Je n’ai pas choisi d’être homosexuel, Chinois, d’avoir la peau mate… J’aime aussi beaucoup cette phrase qui dit que le mal est dans l’oeil de celui qui regarde, c’est tout à fait ça.

Votre couleur vous a empêché d’avoir des rôles, vous ?

Bien sûr ! Il y a encore quelques années, on me disait que j’étais trop typé. “On t’adore, t’es bankable, populaire, bon comédien mais pour le rôle, ah, faudra qu’on explique pourquoi tes enfants sont comme ça, etc.” Mais il n’y a rien à expliquer en fait, la société française est comme elle est ! Moi, je suis Arménien par ma mère et Antillais par mon père. D’un côté j’ai le génocide, de l’autre l’esclavage… C’est un peu chargé donc je connais la problémati­que par coeur. C’est grâce à l’humour que je m’en suis détaché, les gens ne voient plus ma couleur maintenant, ils voient un humain, un humoriste, un acteur… Comme Yannick Noah ou Omar Sy, toujours les personnali­tés préférées des Français, ce qui veut bien dire que ce sont les décideurs dans le métier qui sont frileux. Et c’est ça le problème. C’est un manque d’intelligen­ce et de culture, le racisme. Il y a ça aussi dans le bouquin…

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Le mal du siècle c’est la carence affective”

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D’un côté, j’ai le génocide, de l’autre l’esclavage”

Dans le livre, vous jouez avec les mots. La langue française est-elle aussi un inépuisabl­e sujet ?

Oh oui, parce qu’elle bouge, elle mute ! Quand je dis “une ambicuité, c’est une personne entre deux vins”, pourquoi ce mot-là n’existerait pas ? En fait, si vous cherchez un mot qui n’existe pas pour décrire une situation précise, il est dans mon bouquin !

Vous allez réaliser un film dont vous signez le scénario, sur le milieu hospitalie­r. L’actualité est entrée en collision avec alors ?

Exactement ! Ce sera un hommage au personnel hospitalie­r sur le ton de la comédie. De toute façon, on ne fait pas rire avec du bonheur. Le tournage sera dans un an, un an et demi. J’ai des projets d’acteurs avant.

Dans le Sud bientôt ?

Oui, à Mandelieu dès (ce vendredi soir) ! Un film qui s’appelle L’Envol. Je fais le rôle d’un huissier, mais positif. J’ai dit que ça serait plus drôle si l’huissier était gentil, on aura plus peur de lui !

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