Gérard Larcher : « Qui décide paie »
C’est un des principes que reprennent les « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales », présentées hier et remises à Emmanuel Macron ainsi qu’à son Premier ministre
e temps de la gouvernance verticale, de la suradministration, de l’hypercentralisation du pouvoir est révolu. S’il nous fallait une nouvelle preuve de l’inefficacité du système, la crise sanitaire que nous avons traversée nous l’a fournie. La réactivité des collectivités territoriales a suppléé aux défaillances d’un État qui souvent n’a pu répondre aux urgences du moment. » Ces phrases du discours du président du Sénat, Gérard Larcher, lors d’une conférence de presse, hier à Paris, résument le sens des « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales », qu’il a remises à Emmanuel Macron et son Premier ministre Édouard Philippe.
Ce sont les propositions d’un groupe de travail constitué par les présidents des différents groupes politiques du Sénat, dont la volonté est de redonner plus de compétences aux collectivités locales, à savoir les Régions, Départements, communes et intercommunalités. Gérard Larcher l’appelle, « la nouvelle génération de la décentralisation ». Au terme de sa conférence de presse, avec Philippe Bas, président de la commission des Lois du Sénat, et Jean-Marie Bockel, président de la Délégation aux collectivités territoriales, il a répondu par téléphone à nos questions.
Qu’entendez-vous par libertés locales ?
La libre administration et l’autonomie des collectivités ne doivent plus être simplement des mots mais traduire une réalité. Je vais prendre en exemple un principe constitutionnel, sonnant et trébuchant : Qui décide paie. Or on a beaucoup vu l’État décider et les collectivités payer. Autre exemple, il faut redonner à la commune la compétence générale et permettre la différenciation, c’est-à-dire une liberté d’organisation, car on a vu que plus l’intercommunalité est grande, moins la commune a de compétences. Nous sommes pour une République une et indivisible. Mais l’intercommunalité doit-elle s’attribuer partout la plupart des compétences ? Il y a des endroits où les communes l’exercent mieux.
Quelle sera la réorganisation ?
La compétence générale doit aller aux communes. N’oublions pas que l’Intercommunalité est un outil de projet et de mutualisation au service des communes. Il faut qu’elles retrouvent plus de liberté. Ainsi certaines communes et intercommunalités doivent pouvoir décider de mettre en commun l’urbanisme et à d’autres endroits de le faire d’une manière différente. Les Départements concentreraient social et médecine scolaire. Les Régions l’emploi et la santé (en lien avec le Département). Nous pensons notamment que le président de la Région devrait être le président du conseil de surveillance de l’Agence régionale de santé (ARS).
Et l’écologie dans tout ça ?
J’ai fait mienne la formule du président de l’Association des maires du Nord : « L’écologie punitive venue d’en haut divise, l’écologie locale rassemble. » C’est à partir des initiatives locales que la transition écologique trouvera toute sa dimension, comprise et partagée par les citoyens. Il faut également faciliter l’expérimentation de politiques publiques qui soient adaptées aux spécificités locales et qui puissent être pérennisées par dérogation pour une partie seulement du territoire.
Quel est le calendrier ?
D’ici la fin du mois de juillet, le président de la commission des Lois aura présenté les propositions de lois constitutionnelles, organiques et ordinaires qui déclineront les cinquante propositions.
Vont-elles ramener les Français dans les bureaux de vote ?
J’ai commencé mon discours lors de la conférence de presse en disant que dimanche dernier, pour la première fois, c’est la France de l’abstention qui a remporté les élections (1) municipales. Ce n’est pas la seule crise sanitaire qui explique cela, c’est la crise de la défiance. Et pourtant le seul élu qui ait encore la confiance majoritaire de ses concitoyens – plus de % – c’est le maire. Il a été la victime collatérale de cette défiance généralisée vis-àvis d’un pouvoir qui s’exerce de manière trop verticale.
Avez-vous l’espoir d’être entendu par Emmanuel Macron ?
De toute façon, nous nous ferons entendre ! Quand on appelle à plus d’unité nationale, il faut s’écouter un peu plus les uns et les autres, car la seule chose qui compte aujourd’hui, c’est permettre à notre pays de sortir de la crise. Il va connaître un taux de chômage autour de %, une baisse de sa croissance de points, un taux d’endettement comme on n’en a jamais eu. On doit recréer les conditions du redémarrage économique et de la cohésion. Nous avons un devoir qui dépasse toutes les approches politiques, soyons des réducteurs de fracture.