Monaco-Matin

Le couteau suisse

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Voyez comme les choses vont vite. Il y a vingt-quatre heures, beaucoup nous serinaient que les Français seraient marris du départ d’Edouard Philippe. Ce matin, il est déjà oublié, évacué par pertes et profits. C’est aussi bête que la vie, et Emmanuel Macron le savait par avance. Le pays zyeute vers demain. D’autant plus volontiers que la popularité du Havrais, à bien y regarder, était en bonne partie de papier, étayée sur quelques faux-semblants. L’homme est sympa, indéniable­ment. Souvent plus clair que le Président. Il ne doit toutefois pas être dédouané des échecs de celui-ci, dont il est également comptable. On ne peut l’absoudre des chaos de ces deux dernières années, des « gilets jaunes » aux ratés de la crise sanitaire, en passant par l’enlisement (provisoire ?) de la réforme des retraites. Comme toujours, attrait de la nouveauté oblige, l’impétrant « coche toutes les cases », comme l’assuraient hier les commentate­urs. Il présente, effectivem­ent, le profil pour ratisser large. Il est de droite, clairement, tout en ayant la fibre sociale, « gaulliste social » donc selon l’appellatio­n brevetée, et visiblemen­t apprécié pour son caractère au-delà des étiquettes. C’est simple, on

le dit carrément

« Jean Castex présente

« formidable ». Bigre ! Il incarne le profil pour ratisser

par ailleurs large, une normalité la proximité, le terroir, un conquérant­e à Matignon. » délicieux accent cassoulet en sus. Enarque, haut fonctionna­ire maîtrisant les rouages de l’Etat derrière un physique passe-partout de Français moyen sans apprêt, Jean Castex est le « en même temps » fait homme, une sorte de normalité conquérant­e et raffarine à Matignon. Tout nouveau, tout beau ! Pour Emmanuel Macron, il offre le triple avantage d’afficher une continuité, de cadenasser sa préemption d’une droite piégée en vue de , tout cela sans effrayer davantage la gauche. Son seul défaut, de taille, étant de ne pas franchemen­t faire sauter aux yeux la fibre écolo désormais portée en bandoulièr­e par le chef de l’Etat. Nul doute que le casting gouverneme­ntal y remédiera, sans quoi on ne comprendra­it définitive­ment plus rien au discours présidenti­el… Comme toujours, la théorie sera vite rattrapée et bousculée par la réalité : couteau suisse, perle ou portefaix zélé, le Premier ministre s’affirmera ou pas. Derrière la modestie de circonstan­ce, on le sent convaincu qu’il peut être à la hauteur du défi. La situation du pays et les dossiers sur le feu révéleront vite ce qu’il a dans le ventre.

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