Le col de la Bonette, une route qui fait du bruit
Le site de la Tinée attire, chaque été, des dizaines de milliers de voitures et de motos, même s’il est au coeur du parc national du Mercantour. Au grand désarroi des amoureux de la nature…
C’est un véritable boulevard au milieu de la nature. La route du col de la Bonette (2 715 mètres d’altitude), ses lacets vertigineux, ses panoramas époustouflants, sa nature immaculée… et ses concerts de klaxons et moteurs à explosion. Initialement construite dans les années 1960 pour désenclaver les paysans des deux versants du col – vallée de la Tinée d’un côté, vallée de l’Ubaye de l’autre – cette route (aujourd’hui gérée par la Métropole Nice Côte d’Azur) est devenue un axe touristique majeur entre les Alpes-Maritimes et les Alpes-deHaute-Provence. Elle attire particulièrement les motards, grâce à son label autoproclamé et controversé de « plus haute route d’Europe », via une boucle qui n’est pas sur la route (2 860 m). Mais voilà, le site se trouve au coeur du parc national, né en 1979, où la réglementation est forte. Là où la nature doit être souveraine.
Explosions de moteurs et randonneurs
Une contradiction que le parc a décidé de prendre en main depuis deux ans. En commençant par chiffrer. « Il y a 100 000 véhicules qui passent par saison (de juin à novembre, quand le col n’est pas fermé par la neige), temporise le chef de service territorial de la Tinée au parc, Boris Opolka. C’est un axe économique important pour toute la vallée. Il était là avant le coeur du parc, il faut qu’on compose avec. Il a des bénéfices et des nuisances. » En premier lieu : il attire une population souvent ignorante de la philosophie et de la réglementation du site. Et surtout, le bruit. Rester silencieux fait partie des règles de fréquentation du parc. C’est donc peu dire que les explosions de moteurs ne sont pas du goût de ceux venus observer les marmottes dans les alentours. D’autant qu’à cette altitude, l’impact est plus fort. «La nuisance sonore, c’est un problème pour les riverains et les randonneurs, analyse Boris Opolka. La faune sauvage, elle, s’adapte, puisque c’est un bruit continu. » Objectif, la pédagogie : «Le but est de faire comprendre aux gens qu’on est dans un espace protégé. Qu’il faut donc ralentir, faire moins de bruit. On veut leur dire : “prenez le temps !”. Il y a des points de vue fantastiques et des lieux magiques, pas seulement au col : le camp des Fourches, Bouseyas… » Via, par exemple, un plan d’interprétation. « Mais rien n’est encore tranché, martèle le chef de territoire. Nous sommes en phase de concertation avec les élus et la Métropole. Le parc n’a pas la science infuse. »
« Ceux qui râlent sont les bobos de la côte »
S’attaquer à la circulation du site ? Le sujet est sensible. D’autant que le parc et l’écologie sont souvent perçus comme une entrave par les locaux. Gérard Brun, conseiller municipal à Saint-Dalmas-le-Selvage, dont dépend le col, et membre du Sivu (syndicat intercommunal à vocation unique) de la Bonette, participe à l’étude de revalorisation avec méfiance : «Si c’est pour fermer la route, ce n’est pas la peine. » Il le reconnaît : le Sivu défend son bout de viande. Il est d’ailleurs né pour empêcher la fermeture de la route dans les années 1970. « On défend notre route, parce que c’est un poumon vital en été, surtout au village. Et elle existait avant le parc. Il faut appeler un chat un chat : ceux qui râlent n’habitent pas là-haut. Ce sont les bobos écolos de la côte, les guides, les associations. Le parc veut promouvoir le site. Mais ils verbalisent et ont supprimé les parkings et les guinguettes. C’est frustrant. »
« On ne peut pas et on ne veut pas fermer la route, martèle Boris Opolka. Cette peur n’est pas justifiée. On n’en a pas le pouvoir et le rôle du parc est aussi de contribuer au développement économique du territoire. »