Un meurtre au coussin pour oublier ses dettes
Une auxiliaire de vie a été condamné hier à 18 ans de réclusion pour avoir donné la mort à une retraitée. La préméditation n’a pas été retenue. Le chauffeur de la victime est aussi écroué
En une formule lapidaire, l’avocate générale Clotilde Ledru-Tinseau résume le crime commis par Valérie Pisano, 54 ans : « Une affaire d’argent. Il y a celle qui en a (la retraitée), celle qui n’en a pas (l’auxiliaire de vie) et celui qui n’en a jamais assez (le chauffeur). »
Daniele Ritorto-Kremesch, 74 ans, veuve aisée de la rue Albert-Ier à Menton, a été retrouvée morte sur son lit le 30 mars 2016. Tout le monde pense que son coeur fragile a lâché. L’enquête établira au fil des mois qu’elle a été en réalité tuée le 29 mars, avec un coussin, par son auxiliaire de vie, Valérie Pisano.
C’est Dominique Smara, 53 ans, chauffeur et homme de confiance de la victime, qui a découvert le corps. Il s’est empressé de la dépouiller. Une situation révoltante pour les proches de la défunte. « Certes, Danièle Ritorto, joviale, bonne vivante, avait son caractère mais personne ne la décrit comme agressive. Au contraire, elle était toujours prête à aider », insiste Me Lesot, partie civile.
Me De Oliveira renchérit : « Sa relation avec son personnel est éclairante. Quelques semaines après avoir embauché Valérie Pisano, elle lui accordait déjà un prêt de 1 600 euros. Cette femme avait le coeur sur la main. »
Vingt-cinq ans requis
Hier soir, l’auxiliaire de vie a été condamnée à dix-huit ans de réclusion criminelle pour meurtre et vol. La préméditation n’a pas été retenue. Le chauffeur indélicat s’est vu infliger deux ans d’emprisonnement pour travail dissimulé, vol, escroquerie, et 50 000 euros d’amende. Il comparaissait libre. Il a été menotté et conduit en prison.
Daniele Ritorto avait découvert la malhonnêteté de son employée mais souhaitait passer l’éponge. Valérie Pisano, surendettée, avait promis de rembourser les trois chèques qu’elle avait dérobés. Le conflit semblait en passe de se régler. Et pourtant, Valérie Pisano a étouffé Danièle Ritorto dans des circonstances qui resteront floues à jamais. Pour l’avocate générale, l’accusée a drogué sa victime. « Plusieurs témoins décrivent Mme Ritorto moins enjouée qu’à l’accoutumée, la voix pâteuse », rappelle Clotilde Ledru-Tinseau.
De fait, le toxicologue retrouvera des molécules qui n’ont jamais été prescrites à la victime. Pour l’avocat général, l’hypnotique versé dans le café peu avant le meurtre prouve la préméditation Vingt-cinq ans de réclusion ont été requis, plus tôt dans la matinée, contre l’accusée.
Une peine de trois ans de prison dont un avec sursis et 30 000 euros d’amende sont demandés contre Dominique Smara, agent de la métropole niçoise, en arrêt longue maladie mais chauffeur au noir de personnes âgées. L’individu a retiré plus de 2 000 euros avec la carte de Mme Ritorto. Me Krid s’étonne de réquisitions aussi sévères : « Mon client n’a jamais été condamné. Ses arrêts de travail ne sont pas de complaisance. Ils ont été validés par des experts. C’est un homme sans filtre, parfois sans contrôle mais qui souffre de bipolarité. » Pour Me Matthieu Bitton, avocat de Valérie Pisano, « on a cherché le sensationnel dans un dossier où il n’y a que de la pauvreté. Mme Pisano est décrite comme une gentille fille, incapable de faire front, de dire non, de planifier, d’anticiper, rappelle Me Bitton. Le jour du drame, elle avait, à 15 h, un entretien d’embauche. Comment aurait-elle pu préparer un meurtre entre deux portes ? » Avant le délibéré, les yeux dans les yeux, Valérie Pisano présente ses excuses au cousin de la défunte : «Jamais je n’ai eu l’intention de faire du mal. Je me suis défendue. »
« Si certains pensent que tout s’achète.. Tout se paye aussi », avait prévenu l’avocate générale. La morale d’un crime qui aurait pu, sans la cupidité du chauffeur, rester impuni.