Air France se restructure en taillant dans ses effectifs
En prévoyant de supprimer 7 500 postes, la compagnie, touchée de plein fouet par la crise économique, veut ainsi redevenir rentable et accélérer sa transition écologique
Les syndicats ont réagi avec combativité, hier, aux premières annonces officielles concernant les plus de 7 500 suppressions de postes attendues au sein du groupe Air France, décidé à tailler dans son réseau court-courrier.
La direction avait prévu deux rendez-vous pour informer les représentants du personnel de l’évolution de l’emploi dans le groupe : un comité social et économique central (CSEC) extraordinaire porte de Montreuil à Paris pour la compagnie Air France et un CSE extraordinaire à l’aéroport de Nantes pour la compagnie low cost Hop !
A Nantes, près d’une cinquantaine de personnes ont cadenassé au petit matin un portail pour bloquer l’accès au siège de la compagnie régionale, et le CSE de Hop ! a duré moins de deux heures. Les représentants du personnel avaient décidé de boycotter cette réunion pour « faire barrage » à la « disparition programmée » de la compagnie. Seul Joël Rondel, secrétaire (CGT) du CSE, s’y est rendu afin d’obtenir la nomination d’un expert. La direction a annoncé une réduction de 40 % des effectifs actuels, soit 1 022 suppressions d’emplois (en équivalents temps plein) sur 2 400, qui concernent toutes les catégories de personnel, mais aussi la fermeture de 12 des 14 bases de personnel navigant (toutes sauf Paris-Charles-de-Gaulle et Lyon) et des sites de maintenance de Lille et Morlaix.
Dans un message adressé aux salariés obtenu par l’Agence France Presse (AFP), le patron de la compagnie souligne « le caractère exceptionnel de la crise ». « Face à la dégradation importante et durable de nos marchés sur l’ensemble des réseaux, et surtout sur le court-courrier qui accumule déjà des pertes depuis plusieurs années, face à la concurrence des low-cost, aux changements de comportement de nos clients, le groupe Air France, dont Hop !, doit se transformer et se reconstruire rapidement », plaide Pierre-Olivier Bandet. Il cite également « certaines conditions » aux aides de l’Etat et « l’arrêt de certaines lignes quand le TGV est à moins de 2 h 30 ».
« Une logique de destruction d’emplois »
« Aujourd’hui, on dénonce les 1 022 suppressions d’emploi, on dénonce l’arrêt de certaines lignes, on dénonce le transfert d’activité de notre périmètre vers Transavia », compagnie low-cost du groupe, a indiqué le secrétaire du CSE. Un rassemblement de 150 à 200 personnes a également eu lieu sur le site de Morlaix, qui en emploie environ 300 et doit fermer d’ici à 2023, a constaté une journaliste de l’AFP.
« Le sentiment, là, c’est de la colère », explique Valérie Scattolin, 54 ans, élue (Unsa) au CSE et depuis vingttrois ans dans l’entreprise, jugeant la fermeture « incompréhensible ». Devant le siège à Roissy, une centaine de personnes se sont regroupées pour exprimer leur « colère » face aux suppressions de postes. Le grillage de la vaste entrée du siège de la compagnie aérienne était recouvert par de nombreuses affiches, clamant « Nos vies valent plus que 7 milliards » et « Air France veut nous tuer », ou déroulant l’équation « +7 000 000 000 = -10 000 emplois = arnaque pour tous ».
« On est très combatif », a déclaré à l’AFP Jérôme Beaurain, de Sud Aérien, qui dénonce « une logique de destruction d’emplois et non de croissance ».
Un plan préparé bien avant la crise ?
« La crise, on ne la nie pas mais [la direction] en profite pour faire passer ce plan qui a été concocté bien avant », accuse Guillaume Pollard (syndicat Alter), pilote Air France depuis 22 ans.
Chez Air France, la direction souhaite régler rapidement la question du sureffectif au sein du personnel navigant en négociant des ruptures conventionnelles collectives (RCC). Pour le personnel au sol, elle vise un PDV-PSE (plan de départs volontaires-plan de sauvegarde de l’emploi) pour environ 2 600 postes, afin d’« accompagner les réductions d’emploi en privilégiant le volontariat », selon le document consulté avant le CSEC.
Le réseau court-courrier fera figure d’exception : si les départs volontaires ne sont pas suffisants et les mobilités géographiques refusées par les salariés, il pourrait y avoir des licenciements secs, une première chez Air France. Il en ira de même chez Hop !, où un PDV-PSE est prévu pour l’ensemble du personnel. Fortement secoué par la crise du Covid-19, comme l’ensemble du secteur, le groupe Air France s’est lancé dans un « plan de reconstruction » qui prévoit une réduction de son réseau français (déficitaire) de 40 % d’ici à la fin 2021.