« Nous sommes dans un processus quasi militaire »
Déclenché le 13 mars, le plan blanc va conduire les hôpitaux à bouleverser leurs organisations. Toutes les interventions non urgentes sont déprogrammées
Dans les A.-M., trois cas de Covid-19 ont été confirmés. En France, on comptabilise déjà 16 décès. Le virus commence à se propager de façon accélérée, et les services de santé sont sommés de se tenir prêts à déclencher leur « plan blanc » pour faire face à une situation exceptionnelle. Il le sera 7 jours plus tard. « Le plan blanc est déclenché, nous sommes dans un processus quasiment militaire », annonce dans nos colonnes, le
Thierry Piche, président de la Commission médicale d’établissement (CME) du CHU de Nice. « Nous avons l’injonction de l’État de réorganiser complètement le CHU en 7 jours, pour faire face à une crise sanitaire. » Les nouvelles en provenance d’Italie sont des plus inquiétantes. Pour pouvoir mobiliser un maximum d’anesthésistes réanimateurs au chevet des patients atteints du Covid-19, le CHU de Nice, comme l’ensemble des établissements de santé (publics et privés) de la région, vont déprogrammer toutes les interventions chirurgicales non urgentes. Les cliniques privées – dont plusieurs ont dû ouvrir à la hâte une unité de réanimation prête à accueillir des malades si les hôpitaux publics venaient à être débordés – se retrouvent quasiment à l’arrêt.
Retards de prise en charge
Dans les établissements de niveau 1 et 2, les autres services que l’infectiologie et la réanimation sont eux aussi relativement déserts. Tout le monde se tient prêt. Mais la vague n’arrive pas. Alors, un mois plus tard, des voix commencent à s’élever pour alerter sur le retard de prise en charge de malades dont l’intervention a dû être déprogrammée. « À la demande de l'ARS, nous avons tout arrêté brutalement, aussi bien l’activité diagnostique que thérapeutique, hors urgences. Cela nous a semblé normal ; mais compte tenu de l’étalement de la pandémie, il apparaît urgent de reprendre certaines activités », résume le
dans nos colonnes Pierre Alemanno, directeur de la polyclinique Saint-Jean à Cagnes-sur-Mer. Tétanisés par la crainte de manquer de moyens en cas d’éventuelle reprise épidémique, et en dépit d’une mobilisation croissante de professionnels de santé en faveur d’une levée du plan blanc, les pouvoirs publics multiplient les atermoiements. Et mettent en avant la pénurie de certains médicaments (curares, anesthésiques) largement utilisés en réanimation comme frein à cette reprise. « Je regrette une inadéquation entre les paroles et les actes au niveau du gouvernement : alors qu’il annonce vouloir favoriser la reprise des activités chirurgicales, il “organise” en même temps la pénurie de produits anesthésiques en centralisant leur commande à Paris », dénonce le Pr Christophe Trojani, le 6 juin. « Et cela alors que, selon les grands groupes pharmaceutiques, il n’existe en réalité aucune pénurie médicamenteuse. » Si le plan blanc va commencer à être levé progressivement à partir de cette date, le triste décompte des victimes collatérales du Covid-19, toutes ces personnes qui ont vu leur santé se dégrader, voire leurs chances de guérison abolies, commence.