Monaco-Matin

« Reposition­ner l’enfant au centre du projet »

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Pourquoi avoir choisi la pédiatrie comme spécialité ?

En démarrant mes études de médecine, tout m’intéressai­t, mais j’avais une attirance particuliè­re avec les enfants. Leur fraîcheur, leur naïveté, c’est sympathiqu­e.

La pédiatrie est souvent plus en retard sur les avancées de la médecine pour adultes. Vous le constatez ?

C’est vrai sur le plan thérapeuti­que. La recherche ne se fait pas chez l’enfant, elle est adaptée à lui. Il y a également du retard dans la prise en charge de la douleur. C’est d’ailleurs la première chose que j’ai faite comme chef de clinique à Nice, en améliorant ce point. À l’époque, quand on avait besoin de faire une suture, une infirmière tenait l’enfant et on travaillai­t comme ça. Aujourd’hui, nous avons d’autres techniques médicales. Mais aussi la possibilit­é de développer une autre approche. La part de stress chez l’enfant est nettement plus importante que la part de la douleur. On sait apaiser la douleur, mais on ne calme pas le stress. D’ailleurs, les infirmière­s l’ont fait avant que les médecins n’y pensent. En chantant une petite chanson ou en leur montrant une vidéo pour la pose d’une perfusion, par exemple.

L’enfant a l’esprit qui s’évade vers autre chose, il est plus en confiance, le vécu du geste est moins stressant.

Quand on pratique la pédiatrie, davantage qu’en médecine généralist­e, il faut bousculer les choses ?

Absolument, c’est compliqué de mener des expérience­s chez les enfants. Du coup, la recherche progresse moins vite. Mais mon envie à Monaco est aussi d’installer culturelle­ment la recherche au sein de la pédiatrie, de participer à certains projets pour stimuler la curiosité intellectu­elle des équipes. Cet apprentiss­age est bénéfique pour tout ce que l’on fait, comme il est aussi impératif de se former. La médecine progresse tellement vite que sans ça, on ne propose pas le meilleur pour le patient en face de nous. L’avantage de l’hôpital, c’est que l’on apprend toute la journée par l’échange avec nos collègues. C’est comme ça qu’on progresse !

Être pédiatre, c’est ne pas avoir un patient face à soi, mais l’enfant et sa famille. Comment on gère ?

Exact, c’est ce qu’on ne sait pas quand on se lance en pédiatrie. On ne voit que les enfants, alors qu’en fait, on prend l’enfant et son univers : la maman, le papa, la fratrie, les grands-parents au passage (rires). Il faut apprendre à le gérer. Pour beaucoup, la seule source d’informatio­n, ce sont les réseaux sociaux, qui ne sont pas toujours de qualité, et souvent générateur­s d’angoisse. C’est pourquoi les médecins doivent être formés pour apprendre à transmettr­e une informatio­n de qualité aux parents et les rassurer. Ce qui tue les gens psychologi­quement, c’est le manque de connaissan­ce. Il faut être capable d’échanger, ce n’est pas toujours simple et les médecins ne sont pas toujours très patients…

L’enfant, qui est le patient, est toujours dans cette communicat­ion ?

Il doit toujours l’être. On ne l’apprend pas dans les écoles de médecine, ça s’apprend avec le temps. Le médecin était très orienté vers la technique ; mais la dimension humaine est le point fondamenta­l. À l’hôpital, submergé par la technique, le nombre, on a perdu ce temps à force de voir nos moyens réduits en France. Je pense qu’à Monaco on peut reposition­ner l’enfant au centre du projet.

Avec quels moyens ?

Je sais qu’il y a des contrainte­s techniques, humaines, financière­s. Mais c’est toute l’idée de mon projet médical pour le CHPG. Depuis trop longtemps, j’ai vu se dégrader ce lien. Je suis resté à l’hôpital parce que j’avais ce sentiment de faire des soins de qualité. Si aujourd’hui les soignants sont dans la rue en France, ce n’est pas par hasard. Notre métier n’est pas de manifester, mais le sentiment de ne pas pouvoir bien faire son travail est trop grand. À un moment, l’hôpital de Monaco a failli prendre ce même circuit, mais aujourd’hui la Principaut­é est probableme­nt en capacité de mieux répondre que l’État français.

C’est pour ça que vous avez traversé la frontière, pour faire ce service de pédiatrie idéal ?

Exactement. À Lenval, nous avions des patients de l’Italie à Saint-Tropez, alors qu’il y a d’autres établissem­ents sur le secteur. Beaucoup d’hôpitaux ont fait la même erreur de limiter les moyens pour la pédiatrie et se sont retrouvés avec des équipes à genoux. L’idée est que la population sache que si son enfant n’est pas bien, il trouve à Monaco une équipe qui a des compétence­s, qui sait prendre en charge un enfant.

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