Juillettistes : les fidèles
Français dans l’immense majorité, parfois venus de pays voisins, habitants du littoral gagnant le haut pays : la crise sanitaire a changé le profil des touristes qui choisissent la Côte d’Azur cet été
On commence à reparler anglais. C’est bon signe ! » À la réception de The Deck hotel, à Nice-centre, Jérôme Lefrançois ne s’éternise pas au téléphone, alors que deux clientes allemandes se présentent au comptoir. Dans cet hôtel du réseau HappyCulture, « les perspectives sont très bonnes. À partir de maintenant, on fait quasiment du complet ».
Français en force
La clientèle ? « Plutôt de nouvelles têtes. » Français, majoritairement. Mais aussi des Italiens, Suisses ou Allemands, donc.
Difficile d’établir le portrait-robot du juillettiste, cette saison, sur la Côte d’Azur. Les professionnels euxmêmes ont toutes les peines du monde à avoir de la visibilité, en cet été chamboulé par la crise sanitaire, et rythmé par les réservations de dernière minute en mode « grande débrouille ». Au fil des secteurs, quelques tendances nettes se dégagent néanmoins.
Près de 9 Français sur 10 (87 %) ont choisi de voyager dans l’Hexagone cet été, selon un sondage BVA réalisé fin juin. Et les Alpes-Maritimes figurent parmi les destinations les plus prisées. Chez AirBnB, elles se classent en neuvième place sur la période du 25 mai au 7 juin, au moment où se dégageait l’horizon estival : 2 380 réservations, soit +180 %.
Sans surprise, le tourisme s’annonce très largement franco-français, dans un climat d’incertitude sanitaire internationale et d’appels au patriotisme touristique. « Celui qui vient chez nous soutient implicitement l’économie », note Yves Monferrand, président du syndicat des campings azuréens. Depuis le Parc des Maurettes, à Villeneuve-Loubet, Yves Monferrand brosse la tendance habituelle : « Juillet, c’est traditionnellement plus d’étrangers que de Français. Août, c’est l’inverse. Mais qu’en sera-t-il cette année, alors que toute la législation des vacances est perturbée ? » Par la force des choses, la plupart des juillettistes devraient battre pavillon français dans les campings aussi.
Très chers voisins
Jusqu’ici, la langue étrangère la plus entendue sur le littoral est l’italien. Logique. « À chaque crise, l’accent est mis sur le tourisme de proximité », observe Agostino Pesce, directeur de la CCI italienne à Nice. Cette dernière promeut plus que jamais la destination France en Italie, et viceversa. « Quand vous êtes de Ligurie, du Piémont, de Lombardie ou de Toscane, c’est naturel pour les Italiens de venir ici, et pour les Azuréens d’aller en Italie », estime Agostino Pesce. Il a ainsi reçu la visite d’une dizaine d’amis motards italiens.
Si elle impose la distanciation, la pandémie favorise aussi la proximité. « Beaucoup de destinations sont fermées ou incertaines. Prendre l’avion reste difficile. Pour nous, la destination idéale, c’est la Côte d’Azur, pour des vacances de trois ou quatre jours », estime Agostino Pesce. Au-delà, beaucoup espèrent voir revenir par la route nos très chers voisins européens : Belges, Suisses, Allemands, Hollandais...
L’appel de la forêt
Cet été, plus que jamais, les Alpes Maritimes peuvent compter sur les vacanciers... azuréens. Tous les professionnels confirment l’attrait pour la nature, la montagne et la campagne. Notamment chez les locaux. « D’habitude, on oscille entre 95 et 100 % de remplissage. Là, on est plutôt à 75-80 % en montagne et 5060 % sur le littoral », constate Sébastien Emonet, directeur des Gîtes de France Côte d’Azur.
À Auron, jusqu’ici, les réservations sont bien meilleures pour les appartements que dans les hôtels. Quel que soit leur point de chute, « les gens montent à la montagne, prendre l’air. C’est indéniable », confirme Marc Guillot, patron de L’Ecureuil, adjoint au tourisme et à l’événementiel.
La station tinéenne compte capitaliser sur ses montagnes majestueuses, ses remontées mécaniques gratuites cet été, et ses sentiers. « On va proposer des randonnées pour tous niveaux, pour inciter à consommer encore plus la montagne. C’est un pari. » L’avenir dira si la crise du coronavirus a marqué une parenthèse dans les habitudes touristiques, ou un changement durable.