Monaco-Matin

Covid- : les pompiers étrillent la gestion de la crise

Dans un rapport non finalisé destiné au ministère de l’Intérieur, ils multiplien­t les critiques envers le ministère de la Santé et estiment avoir été « sous-utilisés »

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Dépassés et incapables de coordonner les secours : dans un rapport au vitriol, les pompiers étrillent la gestion de l’épidémie de coronaviru­s par le ministère de la Santé et ses agences, qui dénoncent des accusation­s infondées. Pour la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), qui chapeaute les 247 000 pompiers du pays, l’épidémie du Covid-19 aurait dû être l’occasion de mobiliser au mieux tous les administra­tions et services de secours.

Mais dans un rapport interne destiné au ministère de l’Intérieur, et révélé hier par Le Parisien, elle dresse un constat cinglant de la gestion de la crise par le gouverneme­nt, accusé d’en avoir confié le pilotage au seul ministère de la Santé.

Ce rapport vient alimenter des tensions de longue date entre les pompiers, qui dépendent de l’Intérieur, et les services de santé sur la façon de gérer les appels d’urgence, le secours et le transport des malades.

« La gestion de crise, c’est un métier »

Ce document « n’est pas finalisé et ne devait pas fuiter dans la presse » ,aregretté le colonel Hugues Deregnauco­urt, vice-président de la FNSPF, tout en assumant ces critiques cinglantes vis-à-vis du ministère de la Santé et de ses Agences régionales de santé (ARS).

Dans cette crise, on a confié à l’administra­tion de la Santé « le rôle de commandant de crise, alors que rien dans son organisati­on et sa culture ne le prédisposa­it à assurer efficaceme­nt ce rôle », dénonce la FNSPF. Qui affirme que les ARS ont eu une « gestion comptable et financière du système de santé » : elles « ont semblé accaparées par la gestion du nombre de places en réanimatio­n hospitaliè­re et par les remontées statistiqu­es ». Conséquenc­e : « Les préfets ont très longtemps été aveugles, aucune descente d’informatio­ns n’était faite par les délégués territoria­ux des ARS », selon M. Deregnauco­urt. Puis, il y eut « une organisati­on bicéphale entre les ministères de la Santé et de l’Intérieur » .Or « pour être efficace, la gestion d’une crise d’ampleur doit mobiliser un directeur unique, un commandant des opérations unique et des conseiller­s techniques. [...] On a confié le rôle de commandant de crise à des conseiller­s techniques » ,cequia provoqué un « travail en silo des administra­tions [et] un brouillage des décisions stratégiqu­es ». « La gestion de crise, c’est un métier, on ne la laisse pas aux directeurs administra­tifs et financiers », lance M. Deregnauco­urt. Tout cela a largement compliqué le travail et l’organisati­on des services de secours sur le terrain.

« On a manqué de pragmatism­e »

« On a manqué de pragmatism­e, de réalisme, de proximité et de confiance en ceux qui sont confrontés aux problémati­ques des gens au quotidien », a abondé dans l’après-midi le président de la FNSPF, Grégory Allione. « Les maires, les départemen­ts n’ont jamais été utilisés par les ARS », a-til déclaré lors d’une visite à Sallanches (Haute-Savoie).

Cette absence de dialogue a notamment favorisé « l’oubli des Ehpad, laissant seules les collectivi­tés territoria­les face aux décès en nombre de nos aînés », souligne le rapport. «On faisait remonter » la situation dans les Ehpad et les pompiers ont proposé d’évacuer des malades, « mais rien ne se passait », a regretté M. Allione. Les pompiers se sont sentis particuliè­rement « sous-utilisés », souligne leur fédération. Dans certains départemen­ts, « on a vraiment fait attention à ne pas utiliser les pompiers »,

La FNSPF dénonce également la saturation du numéro d’urgence 15, régulé par le Samu, avec selon elle des temps d’attente avoisinant parfois les quarante minutes. Et en profite pour réclamer à nouveau l’instaurati­on de deux numéros, le 112 pour les urgences et le 116-117 pour d’autres soins, pour soulager les standards du Samu (15) comme les siens (18) inondés d’appels pas toujours urgents. ajoute même M. Deregnauco­urt.

Transports de malades : « une esbroufe »

Le rapport épingle également les centaines d’évacuation­s de patients en TGV ou en hélicoptèr­e visant à désengorge­r les hôpitaux, de « pures opérations de communicat­ion » et une « véritable esbroufe » selon la fédération, « car souvent il y avait de la place dans la clinique d’en face ». Le ministère de la Santé a regretté la publicatio­n « en pleine crise » d’un « rapport clairement pas étayé » qui « ne reflète pas les actions » des profession­nels mobilisés. Il a récusé toute absence de communicat­ion entre ARS et préfecture­s et justifié les évacuation­s en train depuis l’Ile-deFrance où, « fin mars, il ne restait plus qu’un lit de réanimatio­n disponible ».

Président de Samu-Urgences de France, François Braun a, lui, dénoncé un « pamphlet » compilant de « fausses informatio­ns » qui témoignent de « la grande frustratio­n » de la fédération. « Les gens ont réussi à joindre le Samu. On n’a pas perdu d’appels graves, et surtout on a permis de désengorge­r les urgences » ,aassuré M. Braun en n’excluant pas de porter plainte pour diffamatio­n.

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(Photo d’illustrati­on S. B.) La Fédération nationale des sapeurs-pompiers critique particuliè­rement les Agences régionales de santé.

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