Un remaniement en trompe-l’oeil
En apparence, Emmanuel Macron est convaincu que « pour que tout change, il faut que rien ne change ». Certes, le gouvernement du nouveau Premier ministre Jean Castex, présenté hier soir, comporte deux invités singuliers à la table du Conseil des ministres, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, et Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, mais, pour le reste, aucune véritable surprise dans cette liste de ministres. Les sortants – Christophe Castaner, Muriel Pénicaud, Nicole Belloubet, Didier Guillaume, Sibeth Ndiaye – avaient commis tant de fausses notes dans l’orchestre gouvernemental d’Edouard Philippe que leur mise à l’écart ne peut surprendre personne. Les ministres nommés, pour l’essentiel, l’étaient déjà et gardent leur maroquin comme Jean-Yves Le Drian, Jean-Michel Blanquer, Bruno Le Maire ou Florence Parly aux Armées. Tout ça pour ça, a-ton envie de dire ! En vérité, ce remaniement a minima est beaucoup plus politique qu’il n’y paraît car il est directement inspiré du résultat des élections municipales. Le chef de l’Etat ne s’est pas laissé abuser par les communiqués de victoire des Verts.
Certes, il nomme Barbara Pompili, ancienne dirigeante d’Europe Ecologie/Les
Verts ralliée dès à La République en marche (LREM), ministre de la Transition écologique et lui offre le deuxième rang ministériel pour adresser un message à l’électorat écologique et tenter de le récupérer. Il n’est pas sûr
« La France est à droite et c’est à la droite que le Président s’adresse. »
qu’elle y parvienne mieux que Nicolas Hulot, découragé après mois à la tête de ce ministère. Pas de signal, par ailleurs, à la gauche socialiste qui n’a que faiblement rebondi lors du scrutin du juin. Pas de cadeaux non plus à ses troupes car LREM est restée en panne dans les urnes municipales. En revanche, c’est tapis rouge pour la droite. Le symbole le plus flagrant en est la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, poste stratégique dans la perspective de la présidentielle de . Le chef de l’Etat a bien vu, en fait, que la droite avait remporté ces municipales. Elle a même légèrement progressé par rapport à son carton électoral de . La France est à droite et c’est à la droite que le Président s’adresse. Que d’anciens ministres sarkozystes dans les rangs de ce gouvernement ! L’arrivée de Roselyne Bachelot le souligne. La nomination du brillant avocat DupondMoretti à la Justice, même s’il est inclassable, s’inscrit dans cette stratégie : elle a pour but de faire retomber la colère de ses confrères et constitue un camouflet pour la magistrature dont bien des membres penchent à gauche.
Alors qu’il paraît anecdotique, ce remaniement est donc très politique. Emmanuel Macron a peur que la droite se trouve un champion et s’emploie déjà à la pièger. C’est malin mais il lui faudra surtout avoir des résulats. Il a un an pour y parvenir. C’est bien court.