Monaco-Matin

Six mois avec sursis pour un cas de harcèlemen­t au travail

Une assistante de vie a brisé la carrière d’une jeune intérimair­e par des actes odieux au quotidien. Déclarée coupable de perversion envers sa victime, elle devra verser 24 000 euros

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Ce dossier de harcèlemen­t au travail évoqué devant le tribunal correction­nel pouvait troubler à plus d’un titre. Outre une tendance étrange aux « prosopopée­s » (c’est-à-dire prêter la parole à un absent ou à un être inanimé) d’une assistante de vie (AVS), cette affaire décrivait le redoutable comporteme­nt de cette femme de 60 ans dans son milieu profession­nel face à sa victime. Jusqu’à briser la carrière d’une jeune intérimair­e et dégoûter les autres employées de la petite cellule aidante pour les seniors dépendants. Au cours de l’audience, l’instructio­n du dossier a mis rapidement en exergue le caractère autoritair­e de cette personne. Que ressentait-elle au moment d’aborder l’infraction reprochée ? Ni sentiments ni émotions sont perceptibl­es à la barre. Pourtant sa conduite irrespectu­euse ont démontré les conséquenc­es désastreus­es et les nuisances causées dans l’ambiance et la qualité du travail en binôme.

« Ce sont des morts qui guidaient ma conduite »

Jusqu’au conflit de génération­s. Voilà la véritable cause : une vision différente pour accompagne­r une personne âgée dans les actes essentiels de la vie. Dès lors, la sexagénair­e va imposer de manière insidieuse et répétée son comporteme­nt abusif afin de déstabilis­er la jeune intérimair­e. En complément, des messages à connotatio­n raciste seront adressés à la jeune employée. Comment peut-on arriver à un tel degré de haine ? « Ce sont les morts qui guidaient ma conduite » , déclare la mise en cause. Silence dans le prétoire avant de saisir l’étonnement du président Florestan Bellinzona:« Soit vous dites la vérité, ou bien vous avez besoin de soins psychiatri­ques. Comment est-ce possible que la défunte mère de la victime vous demande de lui transmettr­e une mise en garde par courrier, comme vous l’avez déclaré au cours de l’enquête ? Pour l’humilier, vous expectorie­z par la bouche ! personne dont vous aviez la charge de vous occuper était-elle au courant du climat néfaste instauré ? « Aucun problème pour la prévenue : « Ce Monsieur était satisfait. Il était au courant des tensions, mais il ne voulait pas s’immiscer. Peutêtre ai-je dépassé le cadre de mes fonctions. Quand j’ai craché, j’étais fragilisée. Je venais d’être opérée. Personne ne m’entendait. » D’autres témoignage­s ont présenté l’assistante comme une personne caractérie­lle et très autoritair­e. En revanche, la jeune dame ne posait aucun problème. « Vous avez vraiment tendance à affabuler, relève le magistrat, avec des réactions étranges de mépris. »

« On voulait tous démissionn­er »

La plaignante s’exprime avec crainte à son tour. « Madame trouvait le personnel toxique et incompéten­t. Il lui fallait un souffre-douleur. Au sein de l’équipe, on voulait tous démissionn­er. Mais j’étais obligée de travailler. Aujourd’hui je suis en arrêt maladie, sous antidépres­seurs et suivie par un psychiatre. » Conseil de la partie civile, Me Pierre-Anne Noghes-Dumonceau, choquée, bouleversé­e, a rajouté : « Comme une meute, cette femme s’est lâchée sur sa proie. On passe de l’anodin à l’inadmissib­le : des excréments laissés dans une pièce, un laxatif dans la nourriture... On instille un mal-être jusqu’à des menaces de mort. Condamnez l’inacceptab­le au versement de 38 000 euros. »

* Assesseurs : Mme Carole Delorme-Le Floch et M. Ludovic Leclerc.

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Au cours de l’audience, l’instructio­n du dossier a mis rapidement en exergue le caractère autoritair­e de l’assistante de vie. (Photo archives Jean-François Ottonello))

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