Il a sculpté le buste du héros d’une série culte
Fan de la série Le Prisonnier, le sculpteur mouginois Tiziano a réalisé le buste en bronze de celui qui incarne le rôle-titre, Patrick McGoohan. Son oeuvre trône désormais à l’entrée du village gallois de Portmeirion...
On lui doit la nouvelle croix du monastère de Saint-Honorat, qui domine l’île éponyme depuis vingt ans tout juste. On lui doit aussi toute une flopée d’oeuvres originales, dont une partie se découvre dans son atelier mouginois. Mais Tiziano, formé par son père à la dure école des tailleurs de pierre, avait probablement enfoui au fond de lui le secret désir de transcender ses créations traditionnelles. Comme nombre d’artistes, l’homme est un hypersensible qui réagit aux coups de coeur, aux intuitions, à ces messages subliminaux relayés par l’esprit. Enfant, il adorait la série culte Le Prisonnier, l’histoire de cet agent secret britannique qui, après avoir démissionné, se réveille au coeur d’un lieu étrange baptisé le Village. L’espion n’a plus de patronyme, il est désormais le Numéro 6.
« Je n’ai pas compté mes heures »
Tiziano, comme tous les gamins de sa génération [il est né en 1964, Ndlr], est transporté par la magie de ces épisodes – 17 en tout –, l’élégance et le sang-froid du héros campé par Patrick McGoohan qui se bat pour recouvrer la liberté, l’ambiguïté des personnages dépossédés de leur nom, le côté surréaliste des décors ou encore la présence de l’inquiétant Rôdeur, cette énorme boule blanche garante de la non-évasion des captifs.
Beaucoup plus tard, le sculpteur redécouvre la série et en a une autre lecture. Il pénètre la profondeur de l’oeuvre, cette quête incessante de liberté dont il mesure aujourd’hui toute l’importance. « On a vu, avec le confinement, à quel point la liberté est précieuse, en effet. » Une vérité dont Tiziano avait déjà pris conscience au début des années 2000, lors d’un voyage en Asie. « C’est là que m’est venue l’idée de créer un buste à l’effigie de McGoohan. Je n’étais pas fan de l’acteur mais du personnage qu’il incarnait. Rentré en France, je me suis repassé la série, j’en ai pris des photos qui m’ont aidé à reproduire le visage du Prisonnier. J’ai réalisé un modelage en terre et j’en ai tiré un plâtre. Je n’ai pas compté les heures mais ce travail, je l’ai fait pour moi, sans aucune arrière-pensée. »
En lisant un livre paru aux éditions Yris, l’artiste découvre que le village de Numéro 6 existe vraiment. C’est une révélation. Pour ses cinquante ans, il décide de s’offrir le voyage à Portmeirion, au nord-ouest du Pays de Galles. C’est un architecte et milliardaire excentrique, Sir Clough WilliamsEllis, qui l’a édifié entre 1925 et 1978. Tiziano ne part pas seul. Dans ses bagages, il a emporté une reproduction en résine du buste... « Je me suis fait prendre en photo avec lui, je suis allé au restaurant où je l’ai installé face à moi et j’ai commandé deux verres de vin. »
Comme un enfant
Et tant pis si les autres visiteurs le prennent pour un fou. Il est comme un enfant avec, désormais, une idée en tête : offrir son buste au village. Un contact est noué avec l’actuel directeur du site, Robin Llywelyn, qui n’est autre que le petit-fils de l’architecte qui l’a conçu. Et il est finalement convenu que le buste qui trônera à l’entrée de Portmeirion sera réalisé en bronze. Tiziano n’a pas les moyens financiers de finaliser un tel projet. Mais il peut compter sur le soutien d’une amie, anglaise, Jenny Klabin, qui prend les frais à sa charge.
Robin, quant à lui, offre le transport. Et voilà comment, depuis septembre 2017, année de célébration du cinquantième anniversaire de la série, le buste de Patrick McGoohan, alias Le Prisonnier, confectionné par un sculpteur mouginois, accueille les visiteurs à l’entrée du village. Le moment de son installation reste inoubliable pour Tiziano qui, pour l’occasion, a lié connaissance, avec la fille de McGoohan, Catherine.
L’histoire ne dit pas si, comme dans la série, tous les deux se sont salués avec le rituel du village incontournable pour tous les fans : « Bonjour chez vous. »