La société Bettina crée des masques novateurs
Après avoir réalisé plus de 300 000 masques depuis le début de la crise sanitaire, la société de maille de luxe s’attaque à des marchés novateurs tout en adoptant une vision écoresponsable
Àquoi reconnaît-on une entreprise agile ? A sa capacité de réagir, vite et bien. De faire d’une crise sanitaire – véritable chamboulement, voire cataclysme, pour les affaires économiques – une opportunité. Financière, certes, mais aussi environnementale. En usant de son savoir-faire dans la maille de luxe pour créer des masques lavables et réutilisables, Bettina est de cette trempe-là. Et force est de constater que la société monégasque, nichée sur les hauteurs de la Condamine, a marqué les esprits en Principauté. « Elle a fait preuve d’adaptabilité et de grande créativité », reconnaît Annabelle JaegerSeydoux, directrice de la Mission pour la transition énergétique (MTE).
Aux prémices de la crise, quand le pays courait à la pénurie de masques, Bettina s’est mise au service de l’effort collectif national. Il y a eu les premiers essais de tricotage, le 23 mars, puis les moult certifications par la Direction générale de l’armement français. Aujourd’hui, les machines à tricoter pondent 30 000 « Bettimask » à la semaine, lavables 100 fois et capables de filtrer, à l’état neuf, à 94,2 % les particules de 3 micromètres. Le tout décliné et vendu en neuf tailles et une palette de coloris au coeur de la toute nouvelle boutique (lire ci-contre). Une autre version plus améliorée est même née, « Bettimask Plus », dont est équipé le corps des Carabiniers du Prince. « Cette version est deux fois plus perméable et deux fois plus respirante », décrit Philippe Prudhomme, administrateur délégué et directeur général de Bettina.
« Des tests longs, complexes et onéreux »
Avec son savoir-faire industriel, Bettina voit grand. Et compte bien s’attaquer à de nouveaux marchés dans le secteur du masque, quand bien même ce n’est pas son produit d’origine. Le premier : les masques antiallergènes. «Lepollen, c’est une molécule, un ensemble d’éléments qui mesure plus de dix micromètres. On a développé un masque qui a une très grande respirabilité, sept fois plus que les masques classiques et capable de filtrer les éléments pollen. Les personnes allergiques n’auront pas besoin de prendre des médicaments », poursuit Philippe Prudhomme.
Autre dessein : faire du masque chirurgical, un produit écoresponsable. Ce qui est loin d’être le cas, aujourd’hui, d’autant que ce produit est clairement devenu le nouveau déchet. Selon l’Association de défense d’éducation et d’information du consommateur, il faudrait 450 ans au masque chirurgical pour se désagréger dans la nature. « Il a aussi une empreinte carbone importante. C’est un produit fait à base de polypropylène [un dérivé du pétrole, N.D.L.R.]. Il traverse les frontières, passe par la Chine pour être redistribué en Europe. De plus, ses élastiques sont polluants », déplore Philippe Prudhomme. Alors, par quoi le remplacer ? « Il y a un fil que l’on connaît depuis 4 ans, le Rilsan, obtenu grâce à la culture du ricin. Il n’y a pas de produit fossile, c’est végétal et cultivé dans le bassin méditerranéen et à Madagascar. Il ne consomme pratiquement pas d’eau, a contrario du coton. L’idée serait donc de créer un masque 100 % biosourcé et vert, sur lequel on ne rajouterait rien d’autre, surtout pas des élastiques », détaille le patron de Bettina. Reste à trouver la solution pour filtrer les bactéries. « Les bactéries, c’est 0,3 micromètre. Il faut que l’on passe ces barrières. C’est compliqué. Les tests à mettre en oeuvre sont longs, complexes et très onéreux (trois semaines et 1 500 euros par test, multiplié par 100 lavages). Il faut que l’on se rapproche du conseil scientifique pour voir comment améliorer les délais et voir pour une approche plus collaborative afin de mettre au point ce masque le plus rapidement. On est rapide dans notre développement mais il faudra un peu de patience pour ce masque. »
Cela tombe bien, les petites révolutions ne se sont jamais faites en un jour.