Monaco-Matin

Faux tableaux : l’escroc ne retournera pas en prison

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Conseiller­s : Mme Claire Ghera et M. Sébastien Biancheri.

Inutile de le comparer au célèbre commerçant Fernand Legros qui a grugé de nombreux acheteurs et collection­neurs d’art. Le retraité italien avait juste exposé quatre faux tableaux : deux du portraitis­te anglais Francis Bacon et deux du peintre Giorgio De Chirico. C’était le 30 octobre 2017, au cours d’une exposition au quai Antoine-Ier, organisée par l’Hôtel des ventes de Monte-Carlo. Certificat­s d’authentici­té à l’appui, le Florentin espérait retirer de ses toiles le montant de leurs estimation­s : 1 300 000 euros. Mais pour les experts, ces originaux étaient des contrefaço­ns ! La SAM portait plainte.

Le faussaire d’occasion, absent au procès, était condamné le 5 mars 2019 par le tribunal correction­nel à un an de prison ferme avec mandat d’arrêt. Son avocat, Me Yann Lajoux, interjetai­t appel de la décision Extradé de la Péninsule, après trois mois de détention provisoire, son nouveau procès devant la juridictio­n du second degré était reporté au mois de juin à cause de la pandémie du Covid-19.

« On est escroc à tout âge ! »

À cette audience, la partie civile s’était désistée de son recours car le prévenu avait réglé le préjudice réclamé de 8 000 euros. Toutefois, le retraité soutenait encore qu’il ne s’était pas rendu compte que les oeuvres étaient fausses. Il l’ignorait et surtout il n’avait aucune volonté de commettre une escroqueri­e. En fait, il était venu à Monaco « pour connaître la vérité sur les toiles, vérifier leur authentici­té. » De la fumée pour estomper l’effet de tromperie ? La présidente Françoise Carracha craint l’astuce, presque imparable avec l’accompagne­ment des certificat­s d’authentici­té délivrés pour ces oeuvres. « D’où viennentel­les ? » s’exclame-t-elle.

« À la mort de ma mère, prétend l’ancien expert-comptable, j’ai trouvé ces documents dans ses dossiers. Elle avait acquis les peintures de Chirico auprès d’un antiquaire. Pour les deux pastels de Bacon, c’est différent. J’avais un mandat des propriétai­res afin de les présenter en Principaut­é. En Italie, ils sont peu cotés. »

Le regard lucide des magistrats exprime l’aberration des versions. Aucune n’apparaît suffisamme­nt crédible. Inutile de jeter de la poudre aux yeux pour le premier substitut Olivier Zamphiroff, loin d’être convaincu par les arguments du prévenu. «Ce dossier repose bien sur une tentative d’escroqueri­e et l’exportatio­n de faux tableaux. Les documents ? Dans une lettre, la signature a été captée et une autre atteste d’une fausse toile non enregistré­e. On est escroc à tout âge ! Le casier de cet individu, avec trois mentions pour des faits identiques, en témoigne. La mauvaise foi est établie. Pas d’adresse des consorts ! Mais des secrets… Maintenez la peine initiale. »

Relaxe partielle

À l’issue d’un temps très long pour délibérer, le septuagéna­ire a obtenu une relaxe partielle pour les oeuvres de Francis Bacon. En revanche, la présidente a confirmé la culpabilit­é pour l’importatio­n d’oeuvres contrefait­es de De Chirico et la tentative d’escroqueri­e. Avec une peine d’un an d’emprisonne­ment, dont huit mois avec sursis, le prévenu ne retournera pas en prison ; la partie ferme étant couverte par la durée de la détention provisoire. Sauf s’il commet un autre délit pendant cinq ans. À la sanction s’ajoute une amende de 20 000 euros. Alors, « l’art est-il un mensonge qui nous fait comprendre la vérité », si l’on suit la sentence de Picasso ?

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Le prévenu avait déjà effectué trois mois de détention.

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