Monaco-Matin

Darmanin : « Il n’y a pas de zone de non-droit »

Trois jours après une nouvelle fusillade à Nice, le ministre de l’Intérieur était déjà de retour hier. Visite surprise aux Moulins pour rassurer les habitants et avertir les trafiquant­s

- Textes : Christophe CIRONE ccirone@nicematin.fr

Gérald Darmanin a voulu réagir vite. Et marquer le coup. Moins de trois semaines après sa nomination, le « premier flic de France » est déjà, hier, de retour à Nice. La première fois, c’était le  juillet, à la veille d’une bien triste date anniversai­re. Une habitude naissante, décidément : le ministre de l’Intérieur revient dès demain. Cette fois, aux côtés du Premier Ministre Jean Castex et du Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. Pour les « annonces concrètes », promises par le chef du gouverneme­nt, policiers et habitants devront donc patienter un jour de plus. Cette visite surprise de Gérald Darmanin, dans un style assez sarkozien, vise d’abord à frapper par l’image. Et par le message : condamnati­on, soutien, riposte. La nouvelle fusillade qui a éclaté trois jours plus tôt, ici aux Moulins, a marqué les esprits. Le gouverneme­nt entend bien le faire aussi.

L’image a valeur de symbole, même si elle claque moins qu’une rafale d’AK47. Le ministre devant le supermarch­é Casino du quartier des Moulins, là où la fusillade a éclaté lundi matin. Le ministre à la rencontre des habitants boulevard Paul-Montel, en présence des CRS arrivés en renfort la veille. Le ministre au commissari­at de Saint-Augustin, passant en revue des troupes très sollicitée­s ces jours-ci. Le ministre visionnant les images surréalist­es de la fusillade, pour mieux la condamner. Le choix des mots, face au choc d’une vidéo.

« Le Président de la République et le Premier Ministre m’ont dit de venir ici, pour dire que les faits d’hier sont inacceptab­les », explique Gérald Darmanin face aux médias, entouré d’une nuée de policiers.

« Les faits d’hier », ce sont ces images de Christian Estrosi et Bernard Gonzalez pris à partie en soirée place des Amaryllis (lire en page 3) .Là non plus, ça ne passe pas au sommet de l’Etat. « Quand on voit un préfet courageux et un maire courageux venir saluer les renforts de CRS et se faire mal accueillir dans un quartier, ce n’est pas acceptable ! »

«Onatrèspeu­r»

Un déplacemen­t surprise. Arrivée sur le tarmac niçois à 17 heures. Après une visite éclair aux élus de la Métropole, Gérald Darmanin se rend devant le Casino du 60 boulevard Paul-Montel. Le calme y est revenu. « Peut-être même un peu trop. Il y a très peu de monde », constate le directeur du supermarch­é, guère surpris après cet accès de violence. Hier, son patron a reçu le ministre. Une visite « très appréciée ». Utile « pour dire à quel point les policiers et le maire travaillen­t bien, mais qu’ils ont besoin de l’aide de l’Etat pour nettoyer les rues des racailles qui nous pourrissen­t la vie. »

Deux pas plus loin, nouvel échange avec deux dames d’un âge respectabl­e. « On a très peur, très très peur, confie l’une d’elles au ministre et au maire. C’est dommage, car c’est un quartier où on est bien... »

« S’il y a des événements inacceptab­les, c’est parce qu’on dérange les trafics de drogue. Il y a de grosses saisies. On ne va pas vous laisser tomber », promet Gérald Darmanin. Il attribue ces troubles à répétition à « une minorité agissante » . Il veut rassurer « la très grande majorité de la population » : les 60 CRS arrivés en renfort de Paris « resteront dans ce quartier pour garder le calme républicai­n ». Jusqu’à quand ? La question reste en suspens.

« On va faire payer ceux qui veulent faire plier la République »

« J’espère que ce n’est pas du provisoire », confie la pharmacien­ne Cathy Verdier. Son enseigne Nikaïa a eu droit, elle aussi, à une visite express ministérie­lle. « L’insécurité, je ne la sens pas car je suis en face du commissari­at. Mais je suis triste pour le quartier, pour les commerçant­s, pour tous les habitants qui disent que ça se dégrade. » Face à la presse, Gérald Darmanin l’assure : « Là où l’Etat et la ville de Nice ont mis 200 millions d’euros pour rénover un quartier ; on ne va pas laisser à nouveau la gangrène de la drogue se propager ! » Aux yeux du ministre, les récents événements seraient liés à de récents coups portés à l’économie souterrain­e par la police. Gérald Darmanin évoque une importante saisie de cocaïne survenue le 10 juillet dernier, interpella­tions à la clé. « Il y a des conséquenc­es quand on dérange les trafiquant­s. Ces conséquenc­es, nous les déplorons et nous les assumons. Nous allons faire payer ceux qui veulent faire plier la République, ici à Nice comme ailleurs. »

« Maintenant, on attend un geste fort »

« Tak-tak-tak... » Gérald Darmanin visionne la fusillade du 20 juillet sur un ordinateur. « L’un a un fusil dans les mains, l’autre court avec une arme de poing », explique le contrôleur général Nadine Le Calonnec, directrice départemen­tale de la sécurité publique. Au commissari­at de Saint-Augustin, le ministre prend soin de saluer les policiers un par un. Par temps de fronde anti-police, ce n’est jamais anodin.

« On sent qu’il est attentif à nos revendicat­ions et au bien-être des collègues. Maintenant, on attend un geste fort. Ce pourrait être la prime de fidélisati­on », espère Nicolas Vincent,

présent avec Aurélia Milazzo pour Alliance-police nationale. Sur ce point, ce syndicat rejoint Unité-SGP police. Son représenta­nt, Laurent Martin de Frémont, réclame le classement de Nice en secteur difficile « à l’instar de Paris, Marseille, Lyon ou Grenoble ». Et il plaide pour «unapport d’une centaine de collègues, pas un renfort ».

L’arrivée des 60 CRS pour les Moulins et les Liserons était au coeur de la réunion tenue en préfecture, hier soir, par Gérald Darmanin. Ultime étape du jour : Menton, à la rencontre des policiers en poste à la frontière franco-italienne. Loin des médias. En attendant la venue en force du gouverneme­nt demain matin.

 ??  ??
 ??  ?? « On ne va pas vous laisser tomber », promet Gérald Darmanin à ces habitantes, aux côtés de Christian Estrosi. (Photo Eric Ottino)
« On ne va pas vous laisser tomber », promet Gérald Darmanin à ces habitantes, aux côtés de Christian Estrosi. (Photo Eric Ottino)
 ??  ?? Le maire de Nice, accompagné de son adjoint à la sécurité et du préfet, présente à son hôte le commissari­at de Saint-Augustin, boulevard PaulMontel, à  mètres du lieu de la dernière fusillade. (Photo Eric Ottino)
Le maire de Nice, accompagné de son adjoint à la sécurité et du préfet, présente à son hôte le commissari­at de Saint-Augustin, boulevard PaulMontel, à  mètres du lieu de la dernière fusillade. (Photo Eric Ottino)
 ??  ?? Au commissari­at de Saint-Augustin, le ministre passe en revue les effectifs de la sécurité publique. (Photo Eric Ottino)
Au commissari­at de Saint-Augustin, le ministre passe en revue les effectifs de la sécurité publique. (Photo Eric Ottino)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco