Le silence du confinement a fait le buzz mais pas de miracle
Reportage au « heures » et volée d’articles dans la presse nationale, peu d’études universitaires profitent d’autant de couvertures médiatiques que la mission Sphyrna Odyssey. «Onétaitla seule mission scientifique en mer pendant le confinement et c’était sympa pour les médias d’imaginer que ce moment a bénéficié à la biodiversité », sourit rétrospectivement Hervé Glotin, pas dupe sur l’intérêt des médias sur ses recherches.
« Alors oui, au niveau marin, on peut dire qu’il y a eu quelques animaux vus proches des côtes, mais statistiquement, on n’a pas de déplacement en masse des animaux hauturiers vers les falaises. Les animaux sont toujours à l’affût et n’ont pas changé leurs habitudes en si peu de temps. »
Si les sangliers ont gagné la Croisette et les canards le périphérique parisien, les dauphins et cachalots n’ont pas suivi le mouvement de « reconquête » en constatant que le bruit avait été divisé par durant quelques semaines. «Onpeutmême penser que l’arrêt brutal des sources acoustiques a été un stress pour eux. Ils ne connaissaient pas le silence » analyse le scientifique. « En revanche, ils ont pu “voir” plus loin. Avec la diminution du bruit causé par la navigation, ils ont entendu leurs congénères à fois plus loin que d’habitude ».
À la louche, il estime par exemple que les rorquals ont sans doute pu discuter à km de distance au lieu des habituels. « Pour rappel, les baleines, qui vocalisent en basse fréquence (mais qu’on n’a pas en Méditerranée), peuvent communiquer de la côte est des États-Unis à l’Écosse », s’émerveille le scientifique. Est-ce que ce moment de répit acoustique a favorisé les rencontres et annonce un baby-cachalot-boom ? Hervé Glotin ne s’avance pas sur le sujet.
« Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est qu’en temps normal, les signaux émis par le trafic maritime recouvrent les signaux des animaux ». En clair, pour un dauphin, le passage d’un ferry ressemble à ce que nous connaissons lorsqu’une moto nous oblige àforcerlavoix(voireà interrompre notre phrase).
« Durant le confinement, la mer était vierge de bruit, assure Hervé Glotin. Ça a été la rencontre inédite d’un milieu sans bateau – comme on ne l’a pas connu au moins depuis des décennies – et de la technologie de ». Calculant que le trafic, et donc les sources de bruit, double tous les quatre ans, il estime avoir dans ses enregistrements au moins « une photo des années cinquante... moins les animaux, car il y en avait plus à cette époque. »