Monaco-Matin

« Cocteau était avant-gardiste en tout, il avait l’esprit rock. »

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Dans sa galerie Prima du Gray d’Albion, il nous reçoit avec une extrême amabilité, comme à la maison.

« Ici, c’est mon vrai chez moi. C’est ma galerie, ma grotte, mon atelier...», sourit Didier Calvo, à la lumière tamisée de son bureau. Les dossiers de sa chaise, deux disques vinyles, dont il ne « sait même plus quelle musique est gravée dessus ». En revanche, parmi bouquins et oeuvres, il soutire avec fierté des trente-trois tours, comme on n’en fait plus. Avec des pochettes signées Keith Haring, Andy Warhol, ou Basquiat. Derrière son dos, une porte qui ouvre sur un soubasseme­nt « secret » : trois superbes guitares de Ronnie Wood trônent là, comme les trophées de chasse d’un mélomane averti. Du gros gibier, avec les signatures des quatre Rolling Stones, et la fameuse langue qui n’en finit plus de se tirer.

Stars et costards

Rock and pop art, les deux univers de Didier. Une passerelle évidente pour cet ancien vendeur de fringues, qui a vu défiler nombre de vedettes dans son ancienne petite boutique, située autrefois rue Notre-Dame.

« J’ai fait très peu d’études, mais six mois avant mon service militaire, j’ai été embauché chez Uomo, où le patron, le parfumeur Gilbert Puech, m’a pris sous son aile, jusqu’à me transmettr­e l’enseigne en 1988. J’ai eu la chance d’y rencontrer plein de gens intéressan­ts, ce fut une école de la vie. » Grâce à une relation privilégié­e avec Gianni Versace, nouée alors que le couturier n’était que simple designer, il passe vingt années à vendre des costards aux stars. Jamais standard !

Du Midem au Festival de Cannes, on déroulait aussi le tapis rouge aux clients de Uomo, sommités de la musique ou du 7è art : Eddie Barclay, Dirk Bogarde, Dizzy

Gillespie, Robert Charlebois, Sidney Poitier, Jean-Paul Belmondo, Roland Magdane, Hervé Vilard, Herbert Léonard, Richard Gere, Abedi Pelé et son blouson rouge pour recevoir le ballon d’or, JeanMarc Barr, Miles Davis… tous ont signé le livre d’or de la boutique. Didier exhibe aussi une photo dédicacée d’Elton John : « On lui a vendu des maillots de bain turquoise avec des strass. On proposait des vêtements originaux, pas les mêmes costumes bleu marine qu’on trouve partout, souligne Didier. Aujourd’hui, face à l’uniformisa­tion imposée des grands groupes, on a perdu la main… »

Pépites de céramique

En 1992, une exposition des oeuvres de Ronnie Wood scelle le nouveau destin de Didier Calvo. Il quitte ses habits de marchand textile pour devenir galeriste.

Avec une appétence pour, la céramique, « parce qu’il y a aussi un travail d’artisan, qui va à l’essence même de la création ». L’évidence aurait été Picasso, « mais c’est devenu trop cher et trop à la mode ». La chance a imposé Jean Cocteau, avec le rachat, pour commencer, de la collection du producteur ciné Daniel Toscan du Plantier. « Jean Cocteau est assez méconnu comme céramiste, mais il a inventé la céramique pastel et a produit en plus petites séries... Tous les grands musées sont en train de le redécouvri­r, souligne le collection­neur, qui a su aussi se rapprocher des potiers de Vallauris pour acquérir de petits trésors. Jusqu’à cumuler une centaine d’oeuvres, tout confondu.

« Cocteau n’était pas qu’un dandy, c’était un grand artiste pluridisci­plinaire. Il était avant-gardiste dans tout ce qu’il faisait, il avait aussi l’esprit rock ! »

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