Monaco-Matin

L’engagement d’Albert 1er dans la guerre de 1870

Le prince héréditair­e sert dans la marine française, tandis que la Principaut­é affirme sa neutralité

- ANDRÉ PEYRÈGNE

La nouvelle avait éclaté le 19 juillet 1870, il y a cent cinquante ans : la France avait déclaré la guerre à la Prusse.

Un nouveau conflit sanglant allait à nouveau déchirer l’ouest de l’Europe. Tout en étant un État neutre, la Principaut­é de Monaco ne pouvait être insensible au sort de sa voisine la France. Le Journal de Monaco commentait l’événement : « L'entrée en lutte des deux formidable­s armées de France et de Prusse a déchaîné un vent belliqueux qui agite le vieux monde. Et tandis qu'au nord et au sud, à l'orient et à l'occident, on discute les chances probables de victoire de tel ou tel des deux champions en présence, toutes les forces vives de ces pays, tout ce que ces deux puissants empires comptent d'hommes valides, court se ranger sous les couleurs nationales. Certes il est beau d'assister à ces élans patriotiqu­es, il est touchant de voir qu'il existe dans les deux camps opposés des hommes qui, obscurs la veille, seront des héros le lendemain. Mais combien il est triste aussi de penser que dans ces chocs terribles de peuples, des milliers d'êtres humains perdent la vie. »

« Cent fois heureux les petits États »

L’article se poursuit en louant la neutralité de Monaco : « On doit se sentir heureux et fier d'être citoyen de l'un de ces petits États que leur situation et leur exiguïté mettent à l'abri des malheurs engendrés par les batailles. Car la guerre qui, à certaines heures, devient une nécessité pour les forts, n'existe pas pour les faibles. Heureux donc, cent fois heureux les petits États, qui n'excitent ni la convoitise ni les haines de leurs voisins ! » Malgré la neutralité de la Principaut­é, quelques résidents monégasque­s vont prendre part au conflit : en premier lieu le prince héréditair­e Albert Ier, mais aussi les membres de la Garde nationale princière qui, étant militaires français, ont été appelés au combat. On est, en 1870, sous le règne de Charles III. Son fils, Albert 1er, a 22 ans. De 1865 à 1868, il a effectué son service militaire dans la marine de guerre espagnole où il a reçu le grade d’enseigne de vaisseau. Il a quitté l’Espagne et sa marine lors de l’abdication de la reine Isabelle II et de son exil en France en 1868. C’est cet événement historique qui a été à l’origine de la guerre de 1870, la Prusse voulant mettre la main sur l’Espagne et la France s’y opposant afin de ne pas être prise en étau entre deux états germanique­s.

« Nice est dans un état de tristesse difficile à décrire »

Dès qu’éclate la guerre, Albert 1er s’engage dans la marine française.

Le 26 juillet, il se rend à Cherbourg pour aller rejoindre dans la Baltique, l’Escadre du Nord destinée à bloquer les ports prussiens.

Le prince Albert s’embarque à bord de la frégate La Savoie, monte ensuite sur l’aviso Renard puis sur le cuirassé La Couronne, commandé par le vice-amiral Fourichon. L’escadre prend position en baie de Jade, au nord de la Prusse. Mais les échecs successifs de l’armée sur terre rendent inutiles les opérations maritimes.

Le 16 août a lieu la célèbre bataille de Gravelotte (« Ça tombe comme à Gravelotte ! »). Le maréchal Bazaine est encerclé dans Metz. Bref, c’est la catastroph­e sur terre.

Le Journal de Monaco s’apitoie sur le sort de Nice : « Nice est dans un état de tristesse difficile à décrire ; les rues offrent un aspect morne qui vous met la mort dans l'âme. Jamais guerre, depuis cinquante ans, n'avait produit un pareil effet en France ; c'est qu'il faut bien le dire, il semblait impossible que l'envahissem­ent du sol national put se renouveler ; de là cette douloureus­e impression, quand on a su que le drapeau prussien flottait sur les champs français. Néanmoins on a confiance ; on espère que les revers éprouvés ne seront que passagers, et que l'armée française prendra sous peu une éclatante revanche. On active depuis quelques jours l'instructio­n des conscrits ; ici, de même qu'à Villefranc­he, on se hâte, et bientôt on sera à même d'expédier un millier de jeunes et vigoureux soldats au 37e de ligne. »

Mais rien n’y fera. Le 2 septembre, Napoléon III capitulera.

Journal de Monaco le6: « De sanglants revers viennent de s'abattre sur la France, notre voisine et notre amie ! L'empereur a été fait prisonnier. À Paris, la Chambre s'est réunie, a prononcé la déchéance de l'Empire et proclamé la République. La France est remplie de confiance dans l'avenir ; son courage n'est point ébranlé. Elle sait ce qu'elle vaut et ce que peuvent ses généreux enfants… Quant à nous, nous faisons les voeux les plus sincères pour que la France reste intacte et debout, et qu'elle continue à accomplir dans le monde le rôle glorieux qu'elle y a joué jusqu'à ce jour. »

Monaco formulait des voeux pour l’avenir de la France…

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(DR) Albert er. au sortir de son service militaire dans la marine espagnole en .
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(DR) Le bateau Le Renard, sur lequel Albert er s’est d’abord embarqué pendant la guerre de .
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(DR) Le bateau La Couronne sur lequel Albert er a continué la guerre de .

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