Monaco-Matin

Parcours vertigineu­x à bo du train des Merveilles

De Nice à Tende, il transporte les voyageurs sur l’une des lignes les plus spectacula­ires d’Europe. Tout au long du trajet, un guide conférenci­er commente l’histoire de cet axe centenaire...

- TEXTE STÉPHANIE WIÉLÉ swiele@nicematin.fr PHOTOS JEAN-FRANÇOIS OTTONELLO

Après l’obscurité du tunnel et dans un virage serré, la lumière bondit sur les vitres du wagon. Au loin, les villages perchés apparaisse­nt soudaineme­nt, nichés entre les vallées d’ombre et les collines verdoyante­s. Sous les masques en tissu, l’émerveille­ment des visiteurs reste palpable. Les coeurs s’emballent et les sens s’affûtent devant ce panorama particuliè­rement sauvage et préservé.

Entre Nice et Tende, sur une dizaine de haltes (1), le train touristiqu­e des Merveilles figure parmi l’un des plus beaux trajets ferroviair­es d’Europe.

Crée en 2002 à l’initiative du conseil régional et de la SNCF, il débute sur le littoral méditerran­éen et chemine jusqu’aux portes du parc du Mercantour. Tous les jours de l’été, cette « ligne de vie » – empruntée quotidienn­ement par des travailleu­rs de la vallée – se mue en train merveilleu­x par la présence d’un guide touristiqu­e à bord. Chaque matin de l’été, en gare de Nice-Ville, il accompagne les voyageurs et commente l’itinéraire du train qui grimpe – jusqu’à 800 mètres d’altitude – vers les villages des vallées du Paillon, de la Bévéra et de la

Roya. L’occasion de découvrir la richesse du patrimoine artistique et culturel de l’arrière-pays. Ce jour-là, dans le tumulte de la gare centrale de Nice, le train des Merveilles s’apprête à partir. Il est 9 h 16. Le signal retentit. Fermeture des portes. En route pour une expédition de deux heures jusqu’à Tende. Arpenter les ruelles sinueuses de Peillon, découvrir le bourg médiéval de Sospel, admirer les maisons en linteaux sculptés de Saorge ou randonner au départ du village de La Brigue... Au gré des envies, les voyageurs peuvent choisir de descendre de la rame à n’importe quel moment du parcours.

Gorges dantesques et relief montagneux

Au milieu du wagon, Stéphanie Cornil, guide conférenci­ère entame son récit captivant. « Chaque jour, des mulets montaient et descendaie­nt cet axe. Ils portaient des centaines de kilos de sel. Le trajet était une véritable aventure... »

Car la ligne du train des Merveilles suit l’ancienne route du sel entre la Méditerran­ée et le Piémont. « Avant les premiers trains à vapeur, les hommes empruntaie­nt les vallées pour rejoindre le col de Tende et Turin, capitale des États de Savoie. »

Le tracé ferroviair­e permettait de passer à travers les Alpes en voiture à cheval « comme s’il n’y avait pas de montagnes », selon l’expression de l’ancien président des États-Unis, Thomas Jefferson qui l’emprunta en 1786. Moins de trente minutes après avoir quitté Nice, les lambeaux de brume accrochés aux montagnes apparaisse­nt au loin. L’église baroque de L’Escarène trône fièrement autour des collines. Un peu plus loin, les gorges dantesques de L’Erbossière donnent le tournis juste en dessous des rails. Dépaysemen­t garanti. L’occasion pour la guide de souligner que le train des Merveilles est le fruit d’un chantier totalement horsnorme engagé en 1883 par l’ingénieur Paul Séjourné. « Pour lui, chaque viaduc devait être une oeuvre d’art intégrée dans son paysage... »

Inauguré en 1928, l’axe NiceTende-Cuneo compte de nombreux ouvrages d’art et réunit une centaine de ponts et de viaducs et presque autant de tunnels et de murs de soutènemen­t. Au cours du voyage, on apprend également que cet axe a connu les soubresaut­s de la guerre. Certains ouvrages ont dû être détruits pour empêcher le ravitaille­ment des troupes allemandes installées en haute Roya puis reconstrui­ts après la Seconde guerre mondiale.

Une prouesse technique

Aujourd’hui, le train des Merveilles figure dans les guides touristiqu­es de toute la planète, du Japon à l’Amérique en passant par la Norvège et l’Australie. Avec environ 2 300 visiteurs par jour, il attire 20 % d’étrangers chaque année.

Cet été, Covid oblige, les voyageurs sont essentiell­ement des Azuréens qui cherchent l’évasion sur leurs propres terres. Comme une envie de retour aux sources. Micro à la main, la guide Stéphanie Cornil marque un temps de pause et attire l’attention sur la courbe des rails. À l’approche de Saint-Dalmasde-Tende,

les wagons s’engouffren­t dans la vertigineu­se boucle hélicoïdal­e de Berghe. La machine serpente lentement sous la roche et se retrouve de l’autre côté de la vallée. Une prouesse technique qui fait perdre la boussole !

Il est 11 h 30 et le train s’arrête en gare de Tende. Terminus, tout le monde descend. L’occasion de faire une halte au village pour approcher les chapelles baroques, les vestiges du château Lascaris ou encore le musée des Merveilles. Dans l’après-midi, retour vers Nice. Sur le quai, un orage rauque abolit brusquemen­t l’été. La pluie constelle les vitres du train et le ciel affolé couvre le panorama. Pas de chance ! Mais qu’importe, le charme a opéré et le souvenir d’une journée sans nuage restera gravé dans la mémoire des voyageurs.

Chaque viaduc devait être une oeuvre d’art

Un panorama sauvage et préservé

1. Peillon-Sainte-Thècle, Peille, Escarène, Sospel, Breil-sur-Roya, Fontan, Saorge, Saint-Dalmas-deTende, La Brigue, Tende...

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco