Vintimille démantèle son camp de migrants
La préfecture d’Imperia a décidé de fermer le « Campo Roja » pour raisons sanitaires, jetant dans les rues des migrants affamés et sans soins. Matteo Salvini est attendu aujourd’hui
Le jean informe d’Awwalu, Nigérian de 29 ans, sèche sur une dalle de béton, à même la plage de Vintimille. Le jeune homme vient de le laver dans une mare d’eau saumâtre, formée par la Roya. C’est ici que le fleuve se jette dans cette Méditerranée qu’ils ont traversée au péril de leur vie. Une dizaine de migrants squatte ce bout de nulle part. L’un d’eux dort à côté de ses valises. Un peu plus loin, des touristes, étendus sur leur serviette de bain, goûtent à la dolce vita. Saisissant contraste.
Sur décision préfectorale, les migrants ont été mis à la porte du « Campo Roja », le camp d’accueil de Vintimille ouvert en 2016. Awwalu y résidait depuis l’ouverture.
« Nous ne savons pas pourquoi la préfecture a voulu le fermer. Il y a eu deux cas de Covid-19 à l’intérieur. Mais de là à le boucler pour des raisons sanitaires !, s’alarme Gabriele Sismondini, élu au conseil municipal, dans l’opposition.
Du coup, les migrants sont allés dormir dans les jardins, dans le centre-ville, au bord du fleuve. C’est un gros problème social et sanitaire. J’espère que le gouvernement central va étudier une solution. »
L’ancien ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, est attendu aujourd’hui à Vintimille pour échanger sur le sujet avec le maire. Gaetano Scullino, injoignable hier, s’est exprimé dans la presse italienne. Malgré son penchant très à droite – il a été soutenu aux élections par la Ligue de Salvini –, il n’a pas caché son opposition à cette fermeture. Le camp avait le mérite de fixer les migrants et d’offrir un accueil et des soins.
La population préoccupée
Autour du marché couvert, la population de Vintimille affiche d’ailleurs sa préoccupation, de voir ces adolescents, hommes, femmes et enfants errer sans but. Le traumatisme de 2016 est dans toutes les têtes. Cette année-là, l’afflux avait été massif.
Ils seraient en ce moment près de deux cents dans les rues de la ville-frontière, squattant la plage, les abords de la gare ou le lit du fleuve. Les conditions sanitaires sont alarmantes. « Ils n’ont plus de lieu physique pour dormir, prendre une douche, aller aux toilettes. Cette situation est une aberration, estime Maurizio Marmo, président de Caritas Vintimille. Au camp, ils pouvaient au moins consulter un médecin ! »
Vaille que vaille, Caritas assure une distribution de repas le matin, délivre une aide juridique, s’appuie sur des médecins bénévoles. La solidarité s’organise face à l’abandon de l’État. Le soir, des associations se relayent pour des maraudes.
Nous faisons un saut au « Campo Roja », situé à quelques kilomètres du centre-ville, en bord de Roya, le long d’une route en cul-de-sac. Tout un symbole. L’entrée du camp est surveillée par des hommes de la « Guardia di finanza », plutôt avenants. Impossible d’y entrer pour autant. Les Algeco siglés « Croix-Rouge italienne » – qui en assurait la gestion par convention avec l’État – sont vides. Des hommes et femmes en rouge s’affairent à débarrasser les lieux. Depuis trois mois, le « Campo Roja » n’accueillait plus de nouveaux entrants. Les derniers occupants, une trentaine, en ont été extraits en fin de semaine dernière. Pourtant, après une période sans traversées de la Méditerranée, les migrants sont de retour en masse à Vintimille. « Ils arrivent de loin, parfois blessés. Et on les met à la rue où ils ne seront pas à l’abri du coronavirus ! », se désole, catastrophée, la militante de l’Association pour la démocratie à Nice (ADN), Teresa Maffeis. Elle participait, la semaine dernière, à une mobilisation pour s’opposer à cette fermeture. Selon elle, certains ont déjà réussi à franchir illégalement la frontière et ont été recueillis à Nice.
Sur la plage de Vintimille, Awwalu, le Nigérian, ne cache pas son abattement. « Nous avons du mal à nous laver, nous sommes affamés, aidez-nous ! »