Monaco-Matin

Karim Djekhar, la passion coule à flots

À l’huilerie Saint-Michel, il y a toute la famille Djekhar. Et il y a Karim, le chef, l'entreprene­ur, le créateur d'huiles. Celui qui vient aussi d'être primé à un concours internatio­nal

- ESTELLE AUBIN

On retrouve Karim Djekhar dans son bureau étroit, adossé à la fameuse Huilerie Saint-Michel. Le maître des lieux apparaît derrière des piles de dossiers et quelques trophées. Crâne rasé, épaules carrées, tête ronde, son regard planté dans le nôtre, on se croirait chez monsieur Corleone.

Ici, entre les trois murs de la pièce, il y a tout juste la place pour une table, un ventilateu­r et deux paires de gambettes. Tout semble à l'honneur de ses flacons et de sa belle histoire.

Des photograph­ies avec les plus grands chefs de France côtoient des badges de salons gastronomi­ques et des autographe­s des footballeu­rs monégasque­s. Karim Djekhar vient d'ailleurs de remporter la médaille d'argent pour son huile d'olive au citron et gingembre et celle de bronze, pour l'huile d'olive au citron. « C'est une belle marque de reconnaiss­ance. Les jurys ont apprécié la singularit­é du produit et son aspect translucid­e », se satisfait celui qui a fait toute sa carrière à l’Huilerie Saint-Michel.

‘‘ Explorer le produit... Qu’il devienne un trésor”

Il était une fois, parmi les oliviers...

L'histoire est longue. Et parfumée d'oliviers dès le commenceme­nt. «Jesuisnéen Algérie, dans la ville de Zitouna, qui signifie 'olive' ». Le destin est déjà en marche. « À cinq ans, j'arrive en France et à dix-huit, après des études de comptabili­té, je pousse les portes de l'huilerie par hasard. C'était en 1989 », raconte-t-il, songeur. Trente et-un ans plus tard, il est toujours là, dans la traditionn­elle boutique du bout de la rue piétonne (rue de Bréa), à l'angle de deux ruelles ocre. Entre-temps, il est devenu directeur, en 2005, et créateur.

« Je voulais donner un élan supplément­aire à l'entreprise en élaborant de nouvelles saveurs. Explorer le produit, créer, innover. Qu'il devienne un trésor », clame-t-il. Fort de cette ambition, il part à la rencontre de Mauro Colagreco, le chef du Mirazur – le meilleur restaurant du monde, selon The World's 50 Best Restaurant­s 2019. « J'ai eu la chance de croiser sa route. C'est un homme d'une grande humilité, avec qui je partage l'amour du terroir. Il a été le premier à croire dans mon projet de créer des produits de saveur. Ensemble, nous avons inventé l'huile d'olive au citron de Menton, puis au gingembre ou à la baie rose » , se confie-t-il, tout en nous montrant fièrement quelques mots tendres que lui a écrits son ami. Sourire béat, regard pétillant, il ajoute : « C'est une histoire d'amour entre deux passionnés ». La demimesure, il ne connaît pas.

Sans limite

Son huile voyage, va jusqu'en Arabie Saoudite ou à Bangkok, prend des arômes partout où elle peut. C'est un produit riche, il faut lui donner toutes ses lettres de noblesse.

« Ce condiment a traversé les époques et les continents. De tout temps, il y a eu de l'huile et des oliviers. C'est aussi une manière de se différenci­er des concurrent­s. Par la qualité et la singularit­é », affirme l'ambitieux.

Il a aussi collaboré avec les frères Tourteaux, Patrick Raingeard, Norbert ou Marcel Ravin, d'autres pontifes de la gastronomi­e. Il faut au moins ça pour l'olivier, cet « arbre béni des dieux ». À chaque fois, une nouvelle huile aromatisée naît. Une huile qui vient du terroir. « Nous travaillon­s avec des producteur­s locaux. C'est une fierté de valoriser ma région et de partager mes huiles avec tout ce monde. Quand un client me raconte comment il a dégusté mon produit, que je sens son sourire, je suis honoré ».

Et quand c'est Gérard Depardieu qui lui glisse : «Le travail de tes mains transparaî­t dans ton huile » ,ilnel'oublie pas. « Pour faire ce métier, il faut être passionné », dit-il en se relevant, buste droit et médaillon ajusté. L'homme semble savoir où il va. Il a la voix rauque et l'oeil luisant, presque enfantin. Il a encore soif.

« Le plus beau rêve est celui de demain », martèle-t-il, sans reconnaîtr­e qu'il est un homme accompli.

« Je veux encore créer une huile fumée ou fleurie. Je veux continuer à surprendre, à faire rêver, à créer. Je suis comme un gamin devant un dessin animé ».

L'enfance, décidément. Tout avait bien commencé.

 ??  ?? Au coeur de la vieille ville de Menton, Karim Djekhar veille sur l’Huilerie Saint-Michel. Il vient de remporter deux médailles pour son huile d’olive au citron et gingembre et celle au citron. (Photos Dylan Maiffret)
Au coeur de la vieille ville de Menton, Karim Djekhar veille sur l’Huilerie Saint-Michel. Il vient de remporter deux médailles pour son huile d’olive au citron et gingembre et celle au citron. (Photos Dylan Maiffret)
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