Explosion à Beyrouth : le pouvoir jette le doute
I« l est possible que cela ait été causé par la négligence ou par une action extérieure, avec un missile ou une bombe » : à rebours de tout le discours officiel jusqu’ici, le président libanais Michel Aoun a estimé hier que la gigantesque explosion au port de Beyrouth pourrait avoir été causée par une intervention extérieure. Les autorités affirmaient en choeur jusqu’à présent qu’un incendie dans un dépôt de 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium en était à l’origine. Cette substance chimique dangereuse était stockée depuis six ans dans un entrepôt du port « sans mesures de précaution », de l’aveu même du Premier ministre.
Par ailleurs, Michel Aoun -- à la tête d’un pouvoir conspué par une grande partie de l’opinion publique -- a rejeté hier les appels à l’ouverture d’une enquête internationale, car elle « diluerait la vérité », selon lui. Emmanuel Macron avait réclamé une telle enquête lors d’un déplacement jeudi à Beyrouth et a appelé les dirigeants libanais à opérer un « profond changement ». Sur ce dernier point, le président libanais a jugé hier nécessaire de revoir un régime politique «paralysé » car « basé sur le consensus ».
Le Hezbollah nie toute responsabilité
Cette déflagration d’une puissance inouïe, la plus dévastatrice jamais survenue au Liban, a attisé la colère d’une population mobilisée contre les dirigeants du pays depuis l’automne 2019.
Jeudi soir, les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes dans le centreville pour disperser des dizaines de manifestants décriant l’incompétence et la corruption des autorités. Et des appels circulaient hier sur les réseaux sociaux pour une manifestation anti-gouvernementale aujourd’hui.
Selon le dernier bilan, l’explosion a fait au moins 154 morts, plus de 5 000 blessés, des dizaines de disparus et des centaines de milliers de sans-abri. Emmanuel Macron a annoncé l’organisation « dans les tout prochains jours » d’une conférence d’aide humanitaire d’urgence pour le Liban, qui était déjà en plein naufrage économique depuis de longs mois. La Commission européenne compte y participer, et l’Union européenne a déjà débloqué 33 millions d’euros.
Par ailleurs, Hassan Nasrallah, chef du mouvement libanais du Hezbollah, a « nié catégoriquement » dans une allocution télévisée hier que son organisation possédait un « entrepôt d’armes » dans le port de Beyrouth : « Ni entrepôt d’armes, ni entrepôt de missiles [...] ni une bombe, ni une balle, ni nitrate » d’ammonium, a-t-il martelé. Des affirmations en ce sens ont circulé dans certains médias et sur les réseaux sociaux.