DE GAULLE : L’ATTENTAT RATÉ
Pourquoi la bombe, cachée dans une jarre, n’a-t-elle explosé que... treize jours plus tard ? La question demeure toujours sans réponse !
Au coeur de l’été 1964, dans une France en vacances et un monde à l’arrêt, un événement se déroule le 15 août à Toulon : l’inauguration au Mont-Faron, par le Général de Gaulle, président de la République, du Mémorial du débarquement de Provence de 1944. Depuis le matin, les forces de police sont sur le pied de guerre. Au milieu de l’après-midi, le Général de Gaulle et son Premier ministre, Georges Pompidou, arrivent sur place. Un groupe d’enfants est rassemblé autour d’eux pour symboliser l’avenir du pays.
La cérémonie va commencer. Un cortège se forme au pied de l’escalier. À côté se trouve une jarre contenant une pauvre plante grasse – une jarre si banale que personne n’y fait attention. C’est sur cette jarre, pourtant, que va être concentrée toute l’attention du monde. Pas sur le moment même, mais treize jours plus tard. En effet, le jour même, tout se passe sans incident. La cérémonie se déroule, empreinte de solennité et d’exaltation de la grandeur de la France. Une fois l’inauguration terminée, le Général de Gaulle regagne Paris.
La jarre en feu
Mais voici que le 28 août, soudain : «Aufeu!»
Un employé du Mémorial aperçoit une flamme audessus de la jarre. Alors qu’il se précipite, il voit, au loin, une voiture noire partir en trombe. Une déflagration. La jarre vole en éclats. Aucun blessé. Il n’y avait personne autour. L’information se répand rapidement. Tout le monde comprend que la bombe était destinée au Général de Gaulle mais n’avait pas explosé à temps. On est face à une affaire d’État.
Les enquêteurs découvrent une charge de TNT qui pouvait être télécommandée à un kilomètre. Il faudra six mois d’enquête. En mai 1965, les coupables sont identifiés. Ce sont des membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), partisans de l’Algérie française : Jean-Jacques Susini, 31 ans, ancien président des étudiants d'Algérie, Gilles Buscia, 26 ans, André Rossfelder, 39 ans, écrivain, Samuel Lehmann, légionnaire suisse, ingénieur en électronique.
Certains ont fui. Les autres refusent de parler. Un procès aura lieu. Une question restera sans réponse : pourquoi la bombe n’a-t-elle pas explosé ?
Quatre hypothèses se dégagent :
◗ La première : la veille, le jardinier du site, un certain Neredec, aurait arrosé la plante grasse qui avait triste allure. Aurait-il noyé le mécanisme de mise à feu ?
◗ Deuxième hypothèse : la personne chargée de déclencher l’explosion n’aurait pu accéder à cause du service d’ordre.
◗ Troisième hypothèse : constatant la présence d’enfants non prévue initialement, l’individu aurait renoncé.
◗ Quatrième hypothèse : cela n’était qu’une mise en scène. L’explosion était prévue pour plus tard afin de créer une peur rétrospective et entretenir un climat terroriste. L’auteur de l’explosion retardée serait la personne qui se serait enfuie dans la voiture aperçue le 28 août.
Dans un livre Requiem pour une cause perdue paru en 1981, Gilles Buscia raconte : «Jedevais récupérer la charge explosive à Menton par l’intermédiaire du docteur D., conseiller municipal. Je pris contact avec lui grâce à la phrase : “Je viens me faire soigner du nez, de la gorge, des oreilles et des yeux.” Il me dit que je devais la récupérer sur la
route de Gorbio auprès d’un homme à qui je poserais la question : “Connaissez-vous l’hôtel des Trois lions.” »
Condamnés à mort par contumace
La bombe fut installée dans la nuit du 28 juillet :
« Avec d’infinies précautions, Rossignol, ami de Susini qui avait rejoint notre équipe et qui était diplômé en agronomie, dépota la plante grasse, Lehmann plaça la charge après avoir prélevé dans un sac la quantité de terre correspondante et en laissant dépasser deux centimètres de fil d’antenne. »
Lors du procès, en février 1966, Susini, Rosfelder et Lehmann, en fuite, furent condamnés à mort par contumace, Buscia à la réclusion à perpétuité. Tous seront amnistiés par le Général de Gaulle en 1968. L’attentat de Toulon était, après Pont-surSeine en 1961, l’Élysée et le Petit-Clamart en 1962, l’École militaire en 1963, le cinquième auquel le Général de Gaulle avait échappé.
Source : hors-série d’Historama (Les Attentats contre de Gaulle), publié en 1978 (Éric de Goutel).
On est face à une affaire d’État.