Monaco-Matin

« Je ne fais pas de marketing. Moi, je suis paysan. »

- AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr

Il a beau aimer la terre et bien la connaître. Faire pousser de précieux cassis et framboises dans l’air pur et haut de La Bollène-Vésubie. Il a beau aussi transforme­r ses fruits en savoureuse­s confiotes bio. Il n’empêche : Philippe Raymondo mange de la pâte à tartiner industriel­le au petit-déjeuner et boit du cola au repas du midi. « Oui, oui, je sais..., rouspète-t-il avec le sourire devant notre air interdit. Mais ces deux produits qu’on consommait, minots, exceptionn­ellement, sont mes madeleines de Proust. » Gamin, c’était la campagne. Crémat, Colomars. Les oeillets de Nice que faisaient fleurir ses grands-parents, Lisa et Milo. Puis ses parents, Claude et Danielle, qui ont aidé sur l’exploitati­on familiale avant de devenir jardinier et maman active de quatre gentils garnements. Philippe restera dans la terre. Fleurs coupées et plantes en pot pour commencer.

Alors qu’il a à peine la trentaine, il fait le choix de l’altitude au lieu-dit de La Dorgane. Sur ces planches vierges que toisent les villages de La Bollène et de Roquebilli­ère. Vallées en majesté. Il y a une bergerie en pierres anciennes. Avec ses frères et son père, Philippe retape le lieu. En souvenirs, il a gravé ses initiales. «R.P.1998» peut-on lire à l’intérieur, au-dessus de la porte. « J’ai décidé de m’installer ici car travailler seul et être mon propre patron me convenait. Bien que je reste meilleur ouvrier que patron ! Je suis mauvais en compta. Nul en informatiq­ue ! Dans le milieu paysan, on a beau dire mais ce qui compte, c’est la valeur travail dans les champs... », plaisante ce quinqua qui aime lire des romans.

Que planter alors sur ces terres ? Faire du maraîchage ? « Trop d’entretien. Les fruits rouges offrent davantage de souplesse. On les arrose moins fréquemmen­t. »

Il met en place un poulailler. Avec une centaine d’actives pondeuses. Il teste encore les fraises, les groseilles, les mûres, les myrtilles, « mais, les baies avec lesquelles j’ai le plus de feeling restent le cassis et la framboise ». Sagement alignés sur de calmes parterres, les 500 pieds de cassis viennent d’être récoltés. « Des deux baies, il est le fruit le plus exigeant. Il faut tout cueillir en dix jours, sinon, après il sèche. Autant vous dire que début juillet, je suis irascible pendant 10 jours ! », glisse Philippe Raymondo.

Le sein de la nourrice de Zeus

À la fois graves et suaves comme un quatrain d’amour, les framboises déclinent le sucré et l’acide comme bon leur semble, au gré des centaines d’arbrisseau­x plantés. Philippe commence à peine à les récolter. La saison s’étale jusqu’à mi-septembre. Certains fruits sont aujourd’hui encore blancs. « Vous savez ce que l’on dit sur la couleur des framboises ? Zeus, enfant, braillait si fort que toute la Crète en était indisposée. Sa nourrice Ida, fille du roi de Crète, entreprit de calmer le petit en lui tendant une framboise. Or, à cette époque, les framboises étaient blanches. Maladroite, Ida s’égratigna le sein avec les épines du framboisie­r et son sang colora le fruit. Depuis, les framboises sont rouges ! », assure le producteur. Ses fruits les plus colorés sont directemen­t collectés dans un seau – « je ne suis pas délicat, je ne sais pas faire des petites barquettes de baies fraîches » – avant d’entrer dans l’atelier, attenant à la maison. Des fruits, du sucre et un parfait dosage pour transforme­r chaque année 1 000 pots de confitures et 800 bouteilles de sirop. Un délice auréolé de jolies étiquettes dessinées par Patrick, le frangin. « Après, mon emballage reste très classique. Je ne fais pas de marketing, je ne sais pas faire. Moi, je suis paysan », dit-il, fier. Philippe n’est pas de ceux qui râlent. «Jevistrèsb­ienmacondi­tion. Je fais un métier plein de surprises, dans lequel on ne peut jamais prévoir ses journées ni le rythme des saisons... »

Afin de véhiculer au plus grand nombre son optimisme, il parraine de jeunes agriculteu­rs avec l’Associatio­n pour le développem­ent de l’emploi agricole et rural des Alpes-Maritimes et organise des portes ouvertes, « là, mon épouvantai­l est plus photograph­ié que moi, le vilain ! »

Les produits de Philippe sont disponible­s au marché de Roquebilli­ère le mardi matin, à L’Échoppe du pays à Roquebilli­ère, au Goût de Nice ainsi que dans une Amap à Nice. 5 € le pot de confiture de 440 g, 7 € la bouteille de sirop de 0,7 l, 3 € la boîte de six oeufs.

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