J.-Michel Bertrand est prêt à revenir
Originaire des Hautes-Alpes, où il vit encore, Jean-Michel Bertrand ne prétend pas être spécialiste du loup. « Plus j’apprends, plus je doute », glisse-t-il. Mais il n’en demeure pas moins que son travail l’a conduit à en connaître un rayon sur l’espèce protégée. De quoi l’inciter à clarifier certaines choses.
« Beaucoup de rumeurs circulent sur le fait que le loup a été introduit par des agents du Parc. Mais c’est faux, il faut recontextualiser. » Le retour du canidé sur le territoire français découle ainsi de plusieurs phénomènes parallèles : politique de protection mise en place en Italie, exode rural très important au milieu du XXe siècle, vaste replantation d’arbres, retour des ongulés sauvages…
Espèce très mobile
« La base pour discuter, c’est de reconnaître que personne ne les a fait revenir. Les meutes se sont constituées. Mais les loups ne supportent pas d’être trop, ce qui conduit à une dispersion. Du fait d’un nombre de plus en plus important, ils se réapproprient le territoire. C’est une espèce très mobile qui recolonise. Le jour où tous les territoires seront remplis, ils se réguleront », détaille Jean-Michel Bertrand. Précisant qu’il y a environ 550 loups en France, dont plus de 400 dans les
Alpes. Au moins 300 d’entre eux se trouveraient sur le secteur du Mercantour, des Hautes-Alpes et des Alpes-deHaute-Provence. Mais, insiste-t-il, il n’y en aura jamais plus dans trente ans. « Ils seront peut-être dans les Pyrénées ou en Normandie. Mais pour les éleveurs d’ici, la situation n’évoluera pas. Ni en plus, ni en moins. » Question d’équilibre biologique. Jean-Michel Bertrand ne supporte pas le concept manichéen d’une opposition entre pro-loups et anti-loups. « C’est la preuve d’une instrumentalisation. Il y a une posture institutionnelle, politique et sociale autour de cet animal. » Lui est un grand partisan de la cohabitation, d’un partage intelligent du territoire qui tienne compte des contraintes pour les éleveurs. Comme le font des pays tels que la Roumanie, la Mongolie ou la région italienne des Abruzzes, où le loup n’est pas considéré comme le diable. « Pour eux, c’est un problème contre lequel on se protège », résume le réalisateur, indiquant que les ingrédients de ladite protection des troupeaux sont connus : surveillance par les bergers, par les chiens de protection, regroupement des bêtes la nuit. « Pour la plupart de ceux qui pratiquent ces règles, ça se passe bien. Mon prochain film traitera de ce sujet : les éleveurs qui ont trouvé des solutions. »
Et de signifier que la France est l’un des pays de l’Europe où il y a le moins de loups, mais le plus d’attaques et le plus de dépenses pour se protéger contre lui. Malgré sa mauvaise expérience tendasque, Jean-Michel Bertrand a proposé à la direction du Parc national de venir à la rencontre des éleveurs, pour remettre les choses à plat. « Ils me voient comme un arrogant de la ville écolo bobo. Mais je ne suis pas là pour donner des leçons. Et je suis capable de discernement : je sais par exemple que chez les loups, il existe un phénomène de surplus killing. Quand il y a de la panique dans un troupeau, ils sont capables de tuer toutes les bêtes sans les manger. Ce sont-là des arguments qui vont vers les éleveurs. »
« Je peux aider »
Le cinéaste souligne par ailleurs que son père était assureur. Et avait notamment pour mission de retrouver les animaux victimes d’attaque pour que les éleveurs puissent être indemnisés. « Officiellement, 0,1 % du cheptel de brebis est décimé par le loup. Et encore, le dérochement lui est souvent attribué. Mais à titre de comparaison, rien que dans les transports, 0,4 % des bêtes meurent », précise Jean-Michel Bertrand. Insistant sur le fait que le loup ne pourra être éradiqué. L’enjeu est donc de tout faire pour qu’il y ait le moins de victimes possible. « Avec mes caméras automatiques je sais où sont les loups, je peux au contraire aider… »