Monaco-Matin

Coronaviru­s : des tests dans les eaux usées

Le gouverneme­nt compte prochainem­ent réaliser des prélèvemen­ts pour détecter le taux d’agents pathogènes dans les eaux de la Principaut­é. Un élément prédictif et représenta­tif

- JOELLE DEVIRAS

La ville de Paris a plusieurs fois fait parler d’elle en raison de la présence de coronaviru­s dans les eaux usées. Des traces intéressan­tes à déceler car elles sont prédictive­s et représenta­tives de l’évolution de la maladie au sein d’une population déterminée.

La concentrat­ion du pathogène, rejeté dans les selles, peut en effet permettre de mettre au point un système d’alerte précoce. C’est le but du projet Obépine (Observatoi­re épidémiolo­gique dans les eaux usées).

« Un accord de collaborat­ion a ainsi été signé entre la Direction de l'Action sanitaire et le réseau Obépine le 17 juillet dernier. Les points de prélèvemen­ts sur le réseau des eaux usées ont été identifiés en lien avec la Direction de l’Aménagemen­t urbain, mentionne le gouverneme­nt. Les prélèvemen­ts commencero­nt prochainem­ent. » Quand ? Le gouverneme­nt ne le précise pas. Mais ce traçage pourrait bien s’avérer déterminan­t dans les choix politiques et sanitaires à prendre. D’où l’urgence.

Rôle stratégiqu­e

« Il a été établi que l’analyse microbiolo­gique des eaux usées peut jouer un rôle stratégiqu­e dans la surveillan­ce prospectiv­e et régulière de la circulatio­n du virus, poursuit le gouverneme­nt. Bien que ce virus soit rapidement inactivé dans l’eau, il est possible de détecter et de quantifier les acides nucléiques inactivés du SARS-Cov-2 dans des échantillo­ns d’eaux usées prélevées. »

Ceci a été réalisé avec succès dans des agglomérat­ions de plusieurs pays. Les tests ont montré que la quantité d’acides nucléiques est corrélée à la courbe épidémique, précédant l’arrivée de la vague, suivant son ascension et diminuant fortement avec sa régression. « Cette relation temporelle directe avec la vague épidémique, et surtout avant même son apparition, peut faire de cet indicateur un précieux outil pour prévoir d’éventuelle­s résurgence­s, estime le gouverneme­nt. Fort de cette expérience positive, le Départemen­t des Affaires sociales et de la santé a demandé à la Direction de l'Action sanitaire d’étudier la possibilit­é de mettre en place et de réaliser cette surveillan­ce. »

 stations testées en France à l’automne

Considéran­t les constats faits par les scientifiq­ues en France et leurs tests dans plusieurs villes hexagonale­s, il est surprenant que le gouverneme­nt n’ait pas déjà réalisé de prélèvemen­ts.

« Les eaux usées sont un excellent indicateur de la circulatio­n du SARS-CoV-2, souligne le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Mieux encore : elles pourraient être à la base d’un système d’alerte précoce. Et c’est là, justement, l’objectif du projet Obépine. »

Comme les drogues, les médicament­s et autres substances, tout se retrouve donc dans les eaux sales des villes.

Lancé au début de la crise sanitaire, le projet d’Observatoi­re épidémiolo­gique dans les eaux usées est mené conjointem­ent par un réseau pluridisci­plinaire d’équipes de recherche distribué sur l’ensemble du territoire français, avec l’appui opérationn­el des exploitant­s de stations d’épuration, les grands groupes associés, des collectivi­tés locales et des Agences de l’eau. « Les premiers résultats obtenus par Obépine, sur une trentaine de stations d’épuration, ont montré que la charge virale est détectable dans les eaux d’épuration avec une haute sensibilit­é, rapporte le ministère français. Cette quantifica­tion s’est révélée, pour le cas particulie­r de l’agglomérat­ion parisienne, précoce et proportion­née à l’afflux de malades dans les hôpitaux lors du premier pic épidémique. »

Déterminer les taux de coronaviru­s permet d’anticiper les process sanitaires. « Actuelleme­nt, nous avons des données pour trente villes en France. Mais le réseau s’agrandit avec l’ajout de nouveaux opérateurs de stations de traitement des eaux », explique Christophe Gantzer, directeur adjoint du Laboratoir­e de chimie physique et microbiolo­gie pour les matériaux et l’environnem­ent (LCPME) de

Nancy, dans le journal du CNRS. Ainsi, Obépine devrait centralise­r les données de 150 stations d’épuration dès cet automne. »

Et le CNRS d’envisager les prochains mois avec plus d’anticipati­on.

« La mission a été confirmée début juillet pour déployer le réseau en concertati­on avec le ministère des Solidarité­s et de la Santé, le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Transition écologique. Les chercheurs espèrent que dans les deux ou trois mois à venir, les protocoles d’échantillo­nnage, d’analyse, de traitement et de présentati­on des données seront prêts. À temps, donc, pour affronter l’hiver et la résurgence de la Covid-19 qu’il pourrait nous apporter. »

Monaco va donc suivre le mouvement très prochainem­ent.

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 ?? (Photo Manuel Vitali/Dir’Com’) ?? Les eaux usées de la Principaut­é, avant traitement, sont collectées dans des bassins situés sous le Rocher.
(Photo Manuel Vitali/Dir’Com’) Les eaux usées de la Principaut­é, avant traitement, sont collectées dans des bassins situés sous le Rocher.

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