Yachting Festival de Cannes annulé : la foire d’empoigne
L’organisateur du salon de la plaisance dénonce les déclarations du préfet, qui lui fait porter la responsabilité de l’annulation sur fond de désaccord sur le protocole sanitaire. Ce dernier persiste
Qui est responsable de l’annulation du Cannes Yachting Festival, dont la 43e édition devait se tenir du 8 au 13 septembre sur les ports cannois ? Une chose est sûre : la ville de Cannes devra se passer de ce prestigieux salon de la plaisance, qui marquait cette année l’amorce d’une reprise de l’activité congrès, et qui génère habituellement une soixantaine de millions d’euros de retombées économiques directes et indirectes pour la ville. Depuis que l’on sait que la manifestation qui devait accueillir 400 exposants sur 90 000 m2 n’aura pas lieu, la commissaire générale du plus grand salon à flot d’Europe et le maire de Cannes, d’un côté, et la préfecture des Alpes-Maritimes, de l’autre, se renvoient la responsabilité de l’annulation. Les professionnels du tourisme cannois expriment, eux, incompréhension et inquiétudes (voir ci-dessous).
« Inacceptable d’un représentant de l’Etat »
Hier, la direction de Reed Expositions France, la société organisatrice, est sortie de son silence. Et ne mâche pas ses mots à l’encontre du préfet Bernard Gonzalez, à la suite de ses propos parus dans notre édition du 23 août. « Que le préfet ait décidé de refuser une dérogation au Yachting Festival malgré la certification de notre protocole sanitaire par l’Apave et l’avis favorable de l’Agence régionale de santé (ARS) au vu de l’appréciation sanitaire locale dégradée est une chose. Mais devant le tollé général suscité, tenter de rejeter la responsabilité de cette décision sur l’organisateur en l’incriminant sur la base d’une présentation tronquée et déformée de la réalité en est une autre. C’est inacceptable de la part d’un représentant de l’État. »
Sur le fond, il est probable qu’un consensus n’ait pas été trouvé sur les conditions sanitaires dont les exigences ont évolué avec le temps, en raison de la résurgence Covid. « Les règles du jeu ont été changées à la dernière minute », tacle Michel Vilair, directeur général de Reed Expositions France.
Sur la jauge, Reed dit n’avoir jamais demandé une dérogation pour simplement accueillir 15 000 personnes. « Nous avons proposé de diviser l’événement en trois zones séparées de 5 000 personnes maximum, sachant qu’il y a déjà 3 000 exposants et prestataires présents », explique Michel Vilair. Autre point d’achoppement : la demande du préfet de réserver le salon aux professionnels. « Comment distinguer un visiteur d’un acheteur ? Les invitations étaient déjà envoyées par les exposants ! »
La demande du préfet du test systématique des 3 000 exposants a fait problème. « Cette demande a surgi le 20 août et n’a jamais été demandée par l’ARS. Cette idée est surprenante. Exige-ton des personnels des centres commerciaux ou des musées un test Covid pour prendre leur poste ? »
La conclusion est amère : « Nous avons présenté un dossier très sérieux en le faisant évoluer. Nous n’espérions aucun profit cette année. Nous voulions servir l’industrie nautique, l’économie cannoise et montrer que de grands salons peuvent de nouveau se tenir en France. »
Raté.
La préfecture des Alpes-Maritimes persiste et signe. « Le préfet des A.-M. n’a, à aucun moment interdit la tenue du Cannes Yachting Festival. » Et de détailler le processus qui a conduit au fiasco.
Le 14 août, l’organisateur communiquait son protocole sanitaire à la préfecture, en demandant qu’une décision soit rendue au plus tard le 17 août. Malgré ces délais réduits, une réunion de travail était organisée le 17 août par la souspréfète de Grasse pour examiner le protocole sanitaire.
« Il a été mentionné lors de cet échange que l’examen d’une autorisation de déroger à la jauge maximale de 5 000 personnes en un espace défini devait être réévalué en cas d’évolution de la situation sanitaire », mentionne la préfecture.
Aggravation de la situation sanitaire Depuis le 17 août, les indicateurs se sont rapidement dégradés dans le département. Une nouvelle réunion a été alors demandée par le préfet avec Reed et la ville de Cannes.
Il a été alors proposé par les services de l’État plusieurs préconisations visant à réduire le risque d’une contamination massive : étendre les horaires, n’accepter les visiteurs que sur réservations, réserver le salon aux professionnels, séparer en deux sites avec une jauge de 5 000 par site, organiser des tests de tous les exposants.
« L’organisateur a refusé les préconisations »
« Dans une réunion présidée par le préfet le 20 août, l’organisateur a refusé de mettre ces préconisations, maintenant la demande de dérogation initiale. Le taux d’incidence du Covid étant passé au-delà du seuil d’alerte de Santé publique France, il n’était pas possible d’accorder une telle dérogation. La société Reed a donc pris la décision d’annuler le festival malgré l’action des services de l’État, de la préfecture et de la Ville de Cannes pour aboutir à une solution partagée ».