Monaco-Matin

LA CARTE DE LA SÉCURITÉ

Le casino de Monte-Carlo s’est adapté à la Covid Il se place comme le plus sécurisé d’Europe

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Fin mai, le contexte morose de la crise sanitaire n’empêchait pas la Société des Bains de Mer de se plier à l’analyse, par écrans interposés avec la presse, de ses comptes annuels 2019/2020, tout juste clôturés. Une éclaircie au milieu de la grisaille (1). Un chiffre d’affaires en progressio­n de 93,3 millions d’euros et une hausse de 8 % dans le secteur des jeux. Sans s’improviser devin, il ne serait pas inconvenan­t d’avancer que le prochain exercice pâtira, au contraire, du contexte actuel. En effet, après douze semaines sous cloche – une première depuis la Seconde Guerre mondiale – les casinos de la SBM peinent à retrouver leur activité d’antan. D’ailleurs, deux d’entre eux, le Sun Casino et celui du MonteCarlo Bay, affichent toujours portes closes. « Par rapport à la fréquentat­ion, on préfère concentrer notre activité sur deux sites plutôt que de s’éparpiller, à savoir le casino du Café de Paris qui est le moteur des machines à sous [au nombre de 459, N.D.L.R.] et le casino de Monte-Carlo qui est notre image », confie Fabrice Di Franco de la Direction de l’exploitati­on des appareils automatiqu­es. D’autant plus que 50 % des gros joueurs – originaire­s du Moyen-Orient, d’Asie, d’Amérique et de Russie – sont aux abonnés absents, faute de vols internatio­naux vers Nice. En présentant un plan sanitaire bien ficelé au gouverneme­nt princier, les deux casinos ont pu rouvrir le 5 juin dernier. Avant leurs concurrent­s frontalier­s. Une aubaine pour le groupe monégasque qui veut faire de la sécurité sanitaire un argument d’attractivi­té. Certains de leurs homologues européens ont, d’ailleurs, encore le rideau baissé. Des mesures strictes au départ – par exemple : une jauge de 120 personnes maximum en même temps au casino de Monte-Carlo ou l’impossibil­ité

(2) pour les clients de toucher les cartes – assouplies au fil des semaines. Toujours avec l’accord préalable de l’État monégasque. Hier, nous avons rencontré les salariés appartenan­t à divers corps de métier évoluant sous les dorures et boiseries du casino de Monte-Carlo. Pour constater comment ce fichu virus avait bouleversé leur façon d’exercer leur travail au quotidien. Témoignage­s.

 Maxime Julien, voiturier Sur la place du casino de MonteCarlo, il est la première personne auquel le client est confronté. Son comporteme­nt donne une première image du groupe SBM. Dans son costume tiré à quatre épingles, Maxime Julien occupe la fonction de voiturier. Lui et ses collègues ouvrent les portières et accueillen­t les clients qui, par leur statut de gros joueurs, se sont vus octroyer le droit de garer leur véhicule presque sur le perron du casino. À la vue des badauds, toujours avides de grosses cylindrées. « De par notre rôle de physionomi­ste, on connaît nos clients et on ne leur donne pas systématiq­uement un ticket ce qui, en ces temps, évite une potentiell­e transmissi­on du virus. On porte des gants et on protège, grâce à un film plastique, le volant et le pommeau de vitesse. On met également une housse sur le siège. Lors du rendu des clefs, désinfecté­es au préalable, on les place dans une enveloppe et c’est le client qui les récupère. Il n’y a pas de contacts. »

 Manuel Lino, surveillan­t aux entrées

« À la porte du casino, on contrôle avec la scannette les clients voulant rentrer dans l’établissem­ent, ainsi que leurs sacs, pour s’assurer qu’ils n’ont rien de dangereux sur eux. Depuis la crise sanitaire, on leur prend la températur­e au niveau de la tempe. Audessus de 38°C, on leur demande de patienter 15 minutes. Si la températur­e n’a pas chuté après ce laps de temps, on passe la consigne à notre hiérarchie et on conseille au client d’aller voir le médecin. On leur refuse alors l’entrée. Mais ce n’est encore jamais arrivé. On leur demande aussi de porter le masque. Ils sont très collaborat­ifs. S’ils n’en ont pas, on leur en donne un. »

 Eric Pezzuoli, superviseu­r

« En temps normal, j’ai pour mission de gérer la salle, le personnel et la relation avec les clients. Avec la Covid-19, on a une mission supplément­aire : faire respecter les mesures sanitaires. C’est strict et on risque gros si ce n’est pas respecté. Le personnel doit les appliquer pour être crédible auprès du client, d’autant plus si on est amené à lui faire une remarque sur le port du masque. C’est arrivé d’avoir des clients récalcitra­nts sur ce point. Si la situation venait à dégénérer, un surveillan­t général voire un spécialist­e peut être appelé. Notamment quand il y a des comporteme­nts inappropri­és. Cela nous est arrivé au casino Café de Paris, où deux clients nous ont insultés. Ils ont été mis dehors. Dans cet établissem­ent, d’ordinaire ouvert 24 heures sur 24, on ferme désormais à 6 h du matin pour pouvoir tout aseptiser avant la réouvertur­e à 10 h du matin. On se sert de la Covid-19, qui est quelque chose de négatif, pour montrer qu’on peut toujours se divertir ou travailler dans de bonnes conditions. »

 Roman Aureglia, croupier à la roulette européenne

« Aux tables de jeux, on a des protocoles sanitaires très stricts. À chaque relève, toutes les heures donc, un nettoyage de poste est effectué : les outils, la boule, la caisse, tout ce que le croupier a touché. Un client ne peut pas s’asseoir à une place tant qu’elle n’a pas été nettoyée par le valet. Au poker, au blackjack et au punto banco, la jauge de clients a été baissée pour chaque table [4/5 clients, selon le jeu, contre 7 avant la Covid-19, N.D.L.R.].

Au début, on ne pouvait plus prendre les enjeux sur parole. Les mesures ont été assouplies, ce qui est beaucoup plus confortabl­e pour nous ainsi que pour les clients. La partie est moins ralentie, on peut envoyer plus de boules à l’heure. Au début, on avait aussi la visière en plus du masque, c’était assez contraigna­nt à cause de la buée. On a aussi rajouté des micros à table pour mieux entendre les clients. »

 Thierry Boratynski, directeur adjoint des caisses

« Avec Franck Canestrier, nous nous occupons de toutes les caisses des casinos de Monte-Carlo et Café de Paris, de tous les comptes des tables – pour voir si elles sont bénéficiai­res ou déficitair­es sur la journée – et des machines. Tout ce qui est argent (jetons, chèques, espèces…) c’est nous. À la relève de la table, quand on ramène les jetons à l’intérieur, on nettoie et désinfecte toute la boîte. On les laisse 8 h sans manipulati­on. On a également une machine d’ozone qui a été mise en place, dans lequel on place les jetons pendant trente minutes. Ça enlève tout ce qui est virus. On perd beaucoup de temps pour le nettoyage, c’est un vrai service à part. Mais ça en vaut la peine. Au niveau des changeurs, quand on démarre le service, tout est propre. Quand le client revient avec des jetons et veut le changer contre de l’argent, on isole ces jetons pour les nettoyer dans la foulée. Par ailleurs, deux fois par semaine, quelqu’un vient avec un appareil spécial qui pulvérise du produit – de l’eau oxygénée à 8 % – dans les salles de comptée et les locaux de caisses avec la masse complète de notre jetonnerie, laquelle s’avère considérab­le. Pendant deux heures, on ne peut pas se rendre dans une pièce. On a la garantie que tout est neutre après cela. »

Ses casinos, hôtels, restaurant­s et bars étaient (1) alors toujours fermés.

Le casino de Monte-Carlo peut désormais (2) accueillir 986 personnes en simultané. La jauge du casino Café de Paris est, elle, limitée à 600 clients en même temps.

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