Monaco-Matin

« Un sport de combatifs »

Parrain du prix de la combativit­é qu’il a brillammen­t remporté à deux reprises au début des années 2000, Laurent Jalabert s’attend à un Tour de France pour les « affamés »

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIEU FAURE

Laurent Jalabert et le Tour de France, c’est une belle histoire d’amour. Sur la Grande Boucle ‘‘Jaja’’ a tout connu, le maillot vert, le maillot à pois, des jours en jaune, une belle cinquième place au général mais aussi la terrible chute d’Armentière­s en 1994. Début des années 2000, alors que le triple vainqueur de Paris-Nice (1995, 1996 et 1997) est en fin de carrière, il remporte deux fois le prix du coureur le plus combatif du Tour (2001 et 2002). Parrain du prix Antargaz de la combativit­é sur l’édition 2020, celui qui est également consultant sur France Télévision­s et RTL a sans doute savouré plus qu’un autre, l’édition 2019 où Julian Alaphilipp­e a brillammen­t remporté le prix du coureur le plus combatif de l’épreuve. Avant le grand départ depuis Nice, l’ancien numéro 1 mondial UCI raconte son Tour.

C’est quoi un coureur combatif ?

C’est quelqu’un qui met tout en oeuvre pour aller chercher la victoire. Le vélo est un sport de combatifs. Que l’on soit leader ou coéquipier, c’est important de faire preuve d’engagement. En général, quand on met tout en oeuvre pour se montrer, pour être à l’avant, on est récompensé. Ça se joue aussi au mental, c’est une volonté d’être combatif et de ne pas subir la course.

Est-ce une spécificit­é française ?

Sur le Tour, peut-être, car nous sommes chez nous. C’est une course difficile où il faut savoir gérer son capital force. Faire une journée devant comme on dit, c’est important, mais ça demande de l’énergie.

Généraleme­nt, le Tour se déroule pendant la période du  juillet et les Français y brillent souvent, pourquoi ?

Ce n’est pas un hasard, j’ai gagné deux étapes un  juillet et c’était prémédité. Dans le sens où j’avais prévu d’attaquer ce jour-là, car justement c’est la fête nationale. On a ce petit truc en plus. Quand le tracé du Tour tombait, je regardais systématiq­uement l’étape du  juillet pour savoir si je pouvais y faire un truc.

Peut-on être combatif et gagner le Tour de France ?

Julian Alaphilipp­e aurait pu aller au bout l’an dernier...

Il a un tempéramen­t offensif, il l’a eu pendant trois semaines, il ne lui a pas manqué grandchose. Mais c’est difficile car vainqueur du Tour, c’est une gestion de course particuliè­re. Et pendant trois semaines.

Vous avez remporté deux fois le prix de la combativit­é en fin de carrière, pourquoi à ce moment ?

J’ai commencé sur le Tour en étant focalisé sur le sprint, j’ai ramené deux fois le maillot vert alors que je n’étais pas un immense sprinteur, je n’ai d’ailleurs jamais gagné de sprint massif sur la Grande Boucle. Ensuite, j’ai voulu viser la victoire finale mais je n’en avais pas la carrure. Finalement, j’ai pris du plaisir en fin de carrière en faisant une course décalée en allant chercher le maillot à pois. J’attaquais dans des cols, en début d’étape, et j’ai pu ainsi remporter deux fois le prix de la combativit­é.

Existe-t-il encore des coureurs de votre profil ?

J’étais plutôt complet, un peu un puncheur comme peut l’être Alaphilipp­e. Je trouve que le Belge Wout Van Aert de la Jumbo a un profil de super combatif, il sait à peu près tout faire.

Mais je me suis reconnu en Alaphilipp­e, dans sa manière d’être arrivé dans le peloton, sa gestion des courses, ses échappées, ses victoires.

Après des mois d’incertitud­es, le Tour va enfin partir. C’était important qu’il parte ?

Oui, on a pris la mesure de la maladie au fil des mois, on a aussi pris la mesure des précaution­s mais il faut continuer à vivre malgré tout. Il faut bien s’y remettre à un moment donné. On a besoin de parler d’autre chose aussi, d’arrêter de broyer du noir. Les gens ont aussi besoin de revoir du sport à la télévision, ça avait manqué aux gens. C’est important de ne plus être dans la crainte permanente. Et puis pour le monde du cyclisme, le Tour est vital. C’est l’un des rares sports qui marchent sur le mécénat. Et ces sponsors sont là pour avoir de la visibilité, le Tour offre cette immense publicité.

Que pensez-vous du tracé  ?

C’est un beau parcours, bien pensé. Il y a une étape difficile tous les deux jours, il faudra que chacun sorte de sa réserve afin de répondre présent. Ça va s’enchaîner très vite à partir du Grand Départ. C’est un Tour pour les combatifs même s’il faut savoir aussi gérer pour aller au bout. Mais je pense qu’il faudra prendre ce qu’il faut d’entrée et ne jamais remettre au lendemain une attaque. Ce Tour est fait pour les affamés, si vous n’avez pas faim, il faut sortir de table rapidement.

A quelle course pouvons-nous nous attendre ?

Décousue. Avec beaucoup de défaillanc­es, de la dramaturgi­e. Dans la lignée de l’an dernier en quelque sorte. C’est une entreprise difficile de gagner

‘‘ le Tour. Il faut un peu de tout, de la chance, du mental, des circonstan­ces favorables, une grosse équipe.

C’est un pur-sang qui l’emporte toujours.

Un Français vainqueur ? Possible mais c’est difficile.

En quoi le Tour de France est-il le plus dur ?

Le Giro et la Vuelta sont durs mais le Tour, avec tout ce qui l’entoure, est le plus dur. La notoriété, la pression, les difficulté­s, c’est le plus dur.

Ça se joue au détail, une victoire finale...

Avec le confinemen­t, l’écart sera-t-il plus resserré entre les coureurs ?

La valeur des coureurs, on la connaît mais le vélo n’est pas une science exacte donc l’état de forme de chacun, le jour-J, peut être surprenant. C’est difficile de se projeter, personne ne sait à quoi va ressembler ce Tour. Je pense que l’édition  va me surprendre mais je vois mal un inconnu aller au bout. Le cyclisme actuel est tellement structuré que ça me paraît impossible qu’un coureur non préparé pour le gagner aille à Paris avec le maillot jaune.

Il faut continuer à vivre malgré tout... ”

Nice est un endroit parfait quand on aime le vélo ”

Le territoire niçois doit vous rappeler de bons souvenirs...

C’est un endroit parfait quand on aime le vélo. D’ailleurs, de nombreux coureurs habitent dans le coin pour avoir ce terrain de jeu à proximité.

Il y a du relief, l’arrière-pays, un aéroport pas loin. Pour se préparer, c’est idéal. Et j’ai de très bons souvenirs puisque j’y ai gagné trois Paris-Nice mais aussi un titre de champion du monde en Ironman dans ma catégorie l’an dernier.

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(Photo AFP) Laurent Jalabert a remporté le prix du combatif du Tour en  et .

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