Monaco-Matin

Fabrice Caro

- AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

On reçoit avec un peu d’avance une enveloppe de la Sécu pour le dépistage du cancer colorectal et voilà que tout fout le camp. On ne se voyait pas si vieux. À moins que si ? On était tranquille en train d’aligner les jours entre ses gosses et son boulot, et voilà qu’un courrier nous pousse au bilan. De santé, de parcours. Un peu léger comme trame narrative, et pourtant. Dans Broadway, son troisième roman, Fabrice Caro déroule, à partir de ce courrier catalyseur, une savoureuse série de situations aussi banales que tordues, de questionne­ments aussi farfelus qu’intimes.

« On parle souvent de la crise de la quarantain­e, de la cinquantai­ne, je crois qu’il n’y a pas d’âge. Il arrive un moment dans la vie où l’on s’arrête et on se dit : est-ce que je suis devenu celui que je voulais être ?, explique le Montpellié­rain de 47 ans. Peut-être que des gens ont tout réussi et ne se posent pas de questions… Je n’y crois pas. Je pense que c’est assez essentiel comme question. On foire tous des trucs et, si on faisait un sondage, la plupart des gens diraient sûrement qu’ils ne mènent pas la vie dont ils rêvaient gamin. On se débrouille avec et je trouve ça touchant. »

Anti-modèle de réussite

L’auteur-dessinateu­r, également musicien, qu’on connaît mieux dans le monde de la BD sous le nom Fabcaro et qui fait régulièrem­ent se gondoler ses lecteurs avec des titres comme Zaï Zaï Zaï Zaï (2016, Grand Prix de la critique et Prix BD SNCF du Polar, entre autres), Moins qu’hier (plus que demain) (2018) ou Formica, une tragédie en trois actes (2019), s’est spécialisé dans l’absurdité du quotidien. C’est drôle, pas dénué #operadenic­e opera-nice.org

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L’humour est un outil de pudique, j’ai besoin de ça pour raconter une histoire”

de fond non plus. Côté roman, il édulcore un peu la caricature et des couleurs remontent, plus sensibles, plus interrogat­ives, même si elles sont vite désamorcée­s. « Mes romans sont plus sentimenta­ux que mes BD. Dans l’écriture, je me laisse aller à plus de romantisme mais ça me gêne vite, alors il faut que je court-circuite. L’humour est un outil de pudique, j’ai besoin de passer par ça pour raconter une histoire. Et il me semble qu’on peut tout traiter avec, parce que ça crée un filtre, une distance. »

Une distance, une bouffée d’air aussi, dans une rentrée littéraire logiquemen­t occupée par des sujets sociétaux assez lourds et dans une littératur­e où l’humour perce difficilem­ent. « Je lis énormément et, peut-être que j’écris des romans drôles parce que ça me manquait en tant que lecteur, c’est possible. J’aime beaucoup des auteurs comme Philippe Jaenada, par exemple. Peut-être que pour être crédible d’un point de vue littéraire, il faut faire des choses sérieuses… C’est dommage. Moi, je ne hiérarchis­e pas, je place l’humour au même niveau que le drame. »

Avec Broadway – parce que la vie est rarement une comédie musicale – Fabrice Caro invite aussi à prendre un peu de recul sur les modèles de réussite qui nous sont imposés. « J’ai beaucoup de tendresse pour les losers parce que, finalement, je crois que ceux qui réussissen­t sont une minorité. Ça va à l’encontre des bouquins de développem­ent de soi, oui, il faut accepter, essayer d’être indulgent avec soi-même, souligne le romancier. Dédramatis­er, avoir de la tendresse pour son parcours, quel qu’il soit. Avoir de l’autodérisi­on, moi c’est quelque chose qui m’aide beaucoup ! »

 ??  ?? Deux ouvrages de Fabrice Caro ont intéressé le cinéma. Sa BD Zaï Zaï Zaï Zaï va devenir un film de François Desagnat, avec Jean-Paul Rouve. Et son livre Le Discours est déjà un long-métrage en boîte. Réalisé par Laurent Tirard avec Benjamin Lavernhe et Sara Giraudeau, le film, qui aurait dû être présenté à Cannes au printemps, fait partie de la programmat­ion du Festival du film francophon­e d’Angoulême du  août au  septembre.
Broadway.
Deux ouvrages de Fabrice Caro ont intéressé le cinéma. Sa BD Zaï Zaï Zaï Zaï va devenir un film de François Desagnat, avec Jean-Paul Rouve. Et son livre Le Discours est déjà un long-métrage en boîte. Réalisé par Laurent Tirard avec Benjamin Lavernhe et Sara Giraudeau, le film, qui aurait dû être présenté à Cannes au printemps, fait partie de la programmat­ion du Festival du film francophon­e d’Angoulême du  août au  septembre. Broadway.
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(Ph. Francesca Mantovani/Gallimard)

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