Une délicieuse pièce rapportée
Josiane Balasko et Philippe Katerine s’en donnent à coeur joie dans le film d’Antonin Peretjatko. Une oeuvre drôle, politique et ancrée dans l’actualité, présentée hier en avant-première à Angoulême.
Pour moi l’humour est un miroir grossissant de la réalité, une manière d’exagérer les choses pour parler du monde d’aujourd’hui donc je pense que si je faisais un film sérieux ce serait très didactique, un peu chiant... » Accompagné de Josiane Balasko et Philippe Katerine, Antonin Peretjatko résume à la perfection l’esprit de La Pièce rapportée qu’il présentait hier en avant-première au Festival du film francophone d’Angoulême (FFA). Un petit délice où s’affrontent, dans un hôtel particulier, une belle-mère conservatrice en fauteuil roulant (Josiane Balasko) et sa bru, sorte de Madame Bovary des temps modernes, issue d’un milieu plus modeste (pétillante Anaïs Demoustier, malheureusement absente lors de ce festival). Au programme : de l’absurde, un sens du décalage évident et des dialogues brillants. Le tout servi par une esthétique léchée, référencée sixties, même si le film se déroule à notre époque, histoire de brouiller quelques pistes. Mais au fond, estil difficile de rentrer dans cet univers si singulier ? Pas vraiment à en croire l’ancienne Bronzée : «Jeme glisse dans la peau d’un personnage tout simplement avec l’aide du scénario et du metteur en scène. C’est lui le maître à bord et je ne me pose pas la question du rendu final. J’essaie de faire du mieux possible en m’amusant, surtout quand c’est une comédie... Dans ce film, les décors, les costumes et les accessoires y font beaucoup. Par exemple, on a su qui était cette femme lorsqu’on a trouvé les lunettes. »
Pétaradante scène d’ouverture
Des propos confirmés par Philippe Katerine qui excelle dans le rôle de son fils fainéant... et cocu. «Lefait de connaître les précédents films d’Antonin Peretjatko : La Fille du 14 juillet et La Loi de la jungle m’a aidé. Avoir une perruque m’a aussi donné une piste directe et il ne faut pas oublier que le scénario est très écrit... Cependant, je pense que c’est quand il y a un cadenas que l’on trouve la liberté », commente-t-il. Avant d’ajouter : « Mais comme le dit Josiane, mon personnage, c’est un branleur. Et elle a raison ! Cet homme pourrait être président du comité d’administration de l’entreprise familiale, mais il n’est rien. Il s’occupe sur son vieux jeu vidéo, une sorte de Pac-Man et ne sait rien faire d’autre ! » À la limite d’un surréalisme que n’aurait pas renié Luis Buñuel donc... « pour jouer ce genre de situations, on essaie d’être le plus sincère possible. Quoique parfois, je me demandais si je n’en faisais pas trop, mais on m’encourageait à aller dans cette voie. Et finalement, quand j’ai vu le résultat j’étais ravie car ça ne paraît pas outré, alors que le jeu l’est », s’enthousiasme Josiane Balasko.
Si le film remplit sa mission divertissement, il n’oublie pas d’être politique. « Beaucoup de films parlent de politique, mais au final peu le sont. Surtout dans les comédies ! Les Anglais savent le faire, les Italiens en réalisaient beaucoup dans les années 1960-1970 comme avec Affreux, sales et méchants qui est même un brûlot mais en France ce n’est pas trop notre fort, depuis Renoir, on a un peu lâché prise », regrette-t-elle. Et à son réalisateur de conclure : « Jean Yanne s’était également essayé à cet exercice politique... Mais dans notre cas, c’est différent. J’avais surtout envie de parler de l’actualité. Par exemple, je ne me voyais pas parler de la haute bourgeoisie du 16e arrondissement de Paris sans parler de l’abolition de l’ISF. Cela me semblait même évident. » On ne s’étonne donc pas quand le film fait référence aux Gilets jaunes dans une pétaradante scène d’ouverture ou mentionne l’incendie de NotreDame. Pertinent.