Monaco-Matin

« J’ai été pâtissier, boulanger, dépanneur... »

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Il y a ceux qui se noient dans un verre d’eau. Et ceux qui font de leurs faiblesses une force. Force morale, force physique, force créative. Quand t’as 9 ans, pas de parents, et que tu vis dans une grotte sur la plage, sous Rauba Capéu à Nice, tu n’imagines pas que tu deviendras un comédien de renom. Encore moins quand tu gagnes ton sou en ouvrant les parasols du marché, cours Saleya, et en cirant des pompes.

Quand tu nais en 1935 à Draguignan, que tu pousses en pleine guerre, tu n’as pas vraiment le loisir de rêver d’une vie d’artiste. Tu cravaches. Tu te bats pour donner du relief et des couleurs à ton quotidien. Pour que la suite soit un tout petit peu à la hauteur de tes aspiration­s de môme. Heureux, malgré tout.

Max Cartier n’aurait peut-être pas voulu que l’on entame son portrait en racontant son enfance bousculée. Mais elle a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui.

Delon, l’ami de toujours

Un immense atelier perdu dans la pampa de Tourrette-Levens. Un plancher aux larges lames patinées d’heures de travail acharné. Du jazz qui s’échappe d’une mezzanine tapissée d’images, de photos, de souvenirs. Toute cette lumière. Et lui.

Il suffit d’un sourire. D’une mèche rebelle et d’un regard. Très vite, on retrouve le jeune premier que l’on s’est un temps arraché. Le type, aussi, qui a mille choses à dire. Et rien à prouver. L’homme libre derrière la chemise en jean et le pantalon écarlate.

Même allure que quand il arpentait les rues de Paris avec Delon. Son ami de toujours. Il filait vers un shooting quand il reconnaît Max. Heureux hasard. Il l’embarque. Sur les images, le brun ténébreux apparaît à côté de la star. Il est repéré. L’aventure du septième art démarre en mode cyclone. « À Nice, avant l’armée, j’avais fait plein de choses. J’ai été taper à la porte d’un pâtissier pour qu’il m’apprenne le métier. J’ai demandé à dormir sous le four... ça l’avait surpris mais il avait accepté. J’ai même appris à faire le pain et, la nuit, pendant que la pâte montait, je proposais mes services de dépannage. Ça s’appelait SOS la nuit. » Il rit. Et souffle, espiègle : «Je me suis fait des sous ! C’est un métier que l’on devrait exercer aujourd’hui. On ne sait jamais qui appeler quand on a une fuite ou quelque chose en pleine nuit ! »

Une gueule d’ange

Max-la-débrouille. Et puis Max le militaire. Il aime moins. Le retour à Nice, surtout, ne lui offre plus les mêmes opportunit­és profession­nelles. Il décide d’aller à Paris. La suite, on la connaît. Du quai Malaquais où il retrouve Alain Delon, au tournage de Salvatore Giuliano (Francesco Rosi, 1962), il y aura eu Rocco et ses frères (Luchino Visconti, 1960), Le Roi des truands (Duilio Coletti, 1961) et L’Assassin (Elio Petri, 1961).

Une carrière éclair. Il rit encore : « Certains disaient : c’est une étoile filante ! » Aucun grand réalisateu­r ne souhaitait qu’il arrête. Trop besoin de sa gueule d’ange. De son air calabrais. De son jeu naturel. Instinctif. De sa jeunesse et de son énergie. Mais Max Cartier est déjà libre... Il a une femme et un fils, il rentre à Nice.

Il ne se retourne pas. L’aventure est devant. Il monte des affaires. Bar, restaurant, boîte de nuit. Ses associés des débuts dans le monde de la restaurati­on ? Alain Delon et Romy Schneider. Qui d’autre ? Il rit. « Pour l’ouverture, cours Saleya, ils étaient tous là. J’avais Annie Girardot à la réception. Régine s’était occupée des bouquets... » Il marque une pause. « J’avais beaucoup de clients monégasque­s, il y a eu une grève là-bas, ça a compliqué les choses. Et puis il y a eu l’affaire Markovic (1), Delon a fini par retirer ses billes. » Max Cartier continue d’avancer.

Il navigue, c’est assez obscur. Il va travailler sur sa biographie alors il ne veut pas vraiment tout dire. Il fait attention en tout cas. Comment il en vient à l’art ? En Camargue, en

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