68 collections, 1 600 arbres plantés.
Ceux-là, tu les as plantés il y a combien de temps déjà ? », interroge Marc Doussière en faisant le tour de la propriété. Nous sommes à Trigance, à La Graou, chez Antoine Codretto (photo #1). Le jeune homme projette de proposer, à terme, des confitures produites sur son verger. Voilà l’objectif qui l’a conduit à rejoindre, il y a quatre ans, le programme de recensement et de préservation du patrimoine fruitier du territoire, initié par le parc naturel régional du Verdon.
Marc Doussière est le technicien du parc en charge de ce projet « vieilles branches » ou vergers conservatoires. Plus d’une centaine d’arbres fruitiers sortis de la pépinière (lire par ailleurs) ont été plantés ici, en rupture de pentes souvent, sur la propriété agricole. Des pommiers, des poiriers, des cognassiers également, des pruniers. Des variétés anciennes, perpétuant les traditions de l’histoire du Verdon.
C’est toute l’essence de ce programme d’agroécologie fruitière, dont les premières greffes ont eu lieu en 1999. À l’époque en effet, le parc naturel régional du Verdon se penche sur la place de l’arbre dans le paysage. « Deux ethnologues mettent alors en lumière le rôle des fruitiers » , se remémore Marc Doussière.
Cultures « reliques »
Mais il faudra attendre 2011 et un travail – mené conjointement avec les cinq autres parcs régionaux de l’époque – sur les savoirs écologiques paysans pour que le parc du Verdon se focalise sur la culture des fruitiers à travers les siècles. Un premier inventaire sort de terre. Des fruitiers anciens, des cultures « reliques », notamment en zone préalpine du parc [en opposition à la zone méditerranéenne, ndlr] et d’autres fruitiers plus actuels. Suivent une étude bibliographique en 2014, des travaux de pomologie, d’ethnologie (lire par ailleurs), pour remonter le temps des récoltes sur plusieurs siècles et retrouver toutes les variétés anciennes. En parallèle, les vergers conservatoires débutent.
C’est en adhérant à la charte du parc naturel régional que la commune de Bargème a pris connaissance du projet et s’est inscrite dans la démarche. « Nous avions une parcelle en restanques », confie Liliane Montaland, conseillère municipale, membre de la commission développement du parc. Le maire, Jacques Gérard, est convaincu.
Depuis, ce sont une quarantaine de pommiers, poiriers qui ont été plantés dans le verger conservatoire de Bargème (photo #2). « Le facteur limitant, c’est surtout l’entretien... », car les arbres ont besoin d’attention pour pousser sereinement. « On a eu beaucoup d’attaque de rouille cette année » ,sedésole d’ailleurs Marc Doussière en parcourant les restanques du verger municipal. Pas de quoi freiner les bonnes volontés de la collectivité.
Six ans après l’apparition des premiers vergers conservatoires, on compte 68 collections (entre communes, particuliers, agriculteurs), et 1 600 arbres plantés. Toutes les espèces recensées n’ont pas un caractère commercial : « Nous veillons d’ailleurs à cet aspect lorsque nous implantons des fruitiers chez un agriculteur qui veut diversifier sa production par exemple. » Et, avec les communes, « nous sommes à la fois sur des produits intéressants gustativement mais aussi d’autres fruits, plus patrimoniaux ».
Fruits de garde
Comme des fruits de garde par exemple. « À Rougon, on y trouve une variété de pommes qui se récolte début novembre mais qui ne sera comestible qu’à l’arrivée du printemps. » Les fruits sont conservés à température ambiante, à la maison du parc, pour observer leur transformation jusqu’à maturité. Le projet dépasse le cadre du parc : La RoqueEsclapon (photo #3) par exemple, vient de créer son verger conservatoire. À La Bastide plusieurs pommiers présents sur le territoire communal ont été « multipliés » pour être remis, cet automne, à chacun des habitants. Un agriculteur de Châteaudouble veut implanter une collection de variétés anciennes. « On met à disposition la liste des arbres. Ce qui nous importe, c’est de trouver des gens très motivés, pour conserver les arbres, conclut Marc Doussière. D’autant que l’on continue à découvrir de nouvelles variétés ». Qu’il faut alors reproduire et placer afin de les conserver.