Monaco-Matin

Il y a cent ans à Pierrefeu L’ARRIVÉE DU DIRIGEABLE

Le 11 août 1920, le Dixmude, pris aux Allemands, symbolisan­t la fierté de la France, atterrissa­it sur l’aérodrome varois. Le périple de ce « colossal cigare argenté » fut commenté dans tout le pays.

- 1. Ce nom a été donné en souvenir des fusiliers-marins morts en défendant la ville belge de Dixmude, pendant la Première Guerre mondiale. ANDRÉ PEYRÈGNE nous@nicematin.fr

C’était il y a cent ans et quelques jours. Le 11 août 1920, la France levait les yeux vers le ciel. Le pays entier suivait le parcours d’un objet volant qui le traversait du nord au sud : un dirigeable qui avait été pris aux Allemands comme trophée de guerre. Il s’appelait le Dixmude. Ce dirigeable de type zeppelin aux dimensions considérab­les mesurait 266 mètres de long et 24 mètres de diamètre (1).

Il symbolisai­t la fierté de la France. Son périple fut commenté dans le pays entier. On aurait déployé un drapeau tricolore au-dessus de la France, l’effet aurait été le même.

Ce jour-là, parti d’Allemagne en début de matinée le Dixmude se dirigea vers Paris, survola les Champs-Élysées, puis se dirigea vers le sud pour atteindre le but qui lui avait été fixé par les autorités françaises, à savoir l’aérodrome de Cuers-Pierrefeu. Il y avait là un hangar libre, suffisamme­nt grand pour l’accueillir.

« Cinq cents hommes de tous côtés »

Le journal La République du Var relata son arrivée : « Hier soir, à 6 h 20, le Zeppelin L 72 a survolé Toulon. [...] Nous levâmes la tête et vîmes le dirigeable qui fut boche. Il se présentait sous la forme d’un colossal cigare argenté ; sous le reflet du soleil, on eût dit quelque chose comme un fabuleux miroir. »

[...]

Le lieutenant de vaisseau Jean du Plessis de Grénédan est aux commandes. À bord se trouvent quarante hommes triés sur le volet. Lorsque le Dixmude arrive à la verticale de Cuers, en fin d’après-midi, le commandant préfère par prudence le maintenir en l’air toute la nuit. Le lendemain, le journal varois reprend son reportage : « 5 h 30 du matin.

Le jour se lève. Le monstre aérien apparaît après une incursion du côté de Carnoules. Maintenant, on entend des cris. Cinq cents hommes courent de tous côtés sur le terrain d’aviation. Les tanks font un tapage infernal, les câbles sont accrochés. [...] Le zeppelin descend doucement. Un silence a succédé à l’hourvari de tantôt. C’est un spectacle inconcevab­le que ce mastodonte immobile dans l’espace. 5 h 56, la nacelle avant a touché le sol. 6 h : la nacelle arrière. [...] Pas un personnage officiel pour l’accueillir ! Signalons et glissons. »

Une fois au sol, les tanks remorquent le dirigeable. « Il entre dans le hangar avec une majesté qui gonfle le coeur. Au-dessus du hangar s’agite un petit drapeau tricolore. Il contient dans sa petitesse un grand symbole : celui de la victoire des Français. » Voilà. Le voyage triomphal du Dixmude est terminé, laissant derrière lui une traînée de hourras montés des villes et villages qu’il a survolés.

Un record du monde et de distance

Que va-t-on faire de lui dans ce hangar varois ? On va d’abord le dégonfler. Mais revolera-t-il un jour ? Au bout d’un an, le lieutenant du Plessis convainc le ministère de la Marine de le faire repartir.

Le 2 septembre 1921, il est regonflé. Hélas, les ballons à gaz s’avèrent poreux. Impossible de décoller. Presque deux années passent. Le 6 juillet 1923, les ballons défectueux ont été remplacés, le dirigeable est à nouveau regonflé. Il effectue plusieurs vols d’essais.

Les 9 et 10 août 1923, il accomplit un aller-retour vers la Corse.

Entre le 25 et le 30 septembre, il tourne au-dessus de l’Algérie, remonte jusqu’à Paris, établit un record du monde de durée de vol (118 h) et de distance (9 000 kilomètres).

Le 18 décembre 1923, toujours commandé par le lieutenant du Plessis, il accueille cinquante personnes à bord. Le but : améliorer le record. On survole la Méditerran­ée, la Tunisie, le Sahara, Alger. Le 20, les vents repoussent le Dixmude vers la Tunisie. C’est dans la nuit du 21, à 2 h 08, qu’il envoya son dernier message radio. On imagine la suite : le 22, à court d’essence, il se laisse dériver. On suppose qu’il a explosé le 23, frappé par la foudre. Un garde-côte sicilien a aperçu une boule de feu au-dessus de la mer. Il n’y eut aucun survivant. Aujourd’hui, à Pierrefeu, un monument honore le souvenir des victimes. C’est le dernier témoignage de ce qui fut l’un des plus beaux trophées de guerre français.

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