Orcières-Merlette, souviens-toi l’été
Le Tour va s’arrêter pour la cinquième fois à Orcières-Merlette, petite station des Alpes du Sud nichée à 1800 mètres d’altitude dont l’ascension finale comporte des portions à 8 % (7,1 km à 6,7 % de moyenne). Avant 2020, il y a eu 1989, 1982, 1972 et 1971. Surtout 1971 en fait. Pour son grand bizutage du Tour de France, la montée finale vers Orcières va conclure une journée mythique au cours de laquelle Luis Ocana va ridiculiser Eddy Merckx comme jamais. Au soir de cette onzième étape, l’Espagnol dépossède le “Cannibale” de sa tunique jaune. Pis, le Belge prend près de 9 minutes dans la montée finale, du jamaisvu. On assiste sans doute à sa plus grande déroute sur les routes du Tour. Une double peine pour le Belge qui, durant cette étape, a pu constater la cote d’amour
Agostinho et Ocana font exploser la course.
d’Ocana.. au détriment de la sienne. Il faut dire que l’Ibérique avait eu la bonne idée de se marier avec une Française et de s’affilier au club de Mont-de-Marsan. Sans doute épuisé par son début de Tour où il faisait la course à la moindre prime, Merckx peine d’entrée sur
cette onzième étape au départ de Grenoble.
Merckx isolé
Au bout de 13 kilomètres de course, Agostinho pose une première cartouche. Ocana, Van Impe et Zoetemelk embrayent, pas Merckx. L’Espagnol, vainqueur de la Vuelta 1970, est facile, il semble danser sur son vélo. Petit à petit, la sélection naturelle s’opère et il se retrouve seul en tête de la course dans le col de Noyer. Il reste alors 60 kilomètres et il compte 4 minutes d’avance sur ses trois compagnons d’échappée du matin et près de 5 minutes sur le groupe Merckx. S’en suit alors une sorte de duel à distance, Merckx, isolé à l’exception de ses deux coéquipiers Rini Wagtmans et Joseph Huysmans, avale tous les échappés du matin à l’exception de Van Impe mais peine à suivre la cadence de l’Espagnol. Dans ce groupe de poursuivants, Merckx tente de trouver des alliés de circonstance. En vain. Il doit rouler seul pour limiter la casse… Difficile de venir en aide à celui qui vous écrase à longueur d’années sur les routes. Merckx paie sa domination sans partage. Au final, Ocana s’impose en costaud dans les champs de ski d’Orcières-Merlette. Van Impe pointe à 6 minutes sur la ligne d’arrivée… Merckx, qui monte seul, tente de limiter la casse mais termine malgré tout à 8’42’’ du vainqueur du jour. L’Espagnol s’empare du Maillot Jaune à l’arrivée, le Belge rétrograde à la quatrième place du général.
Ocana, Zoetemelk et Merckx avant le départ. A l’arrivée, seul l’Espagnol aura le sourire...
D’aucuns estiment que le Tour est déjà joué… mais c’est sans compter sur la fatalité. Lors de la 14e étape, entre Revel et Luchon, Ocana chute lourdement dans le col de Menté et quitte le Tour, Maillot Jaune sur le dos. Une tunique que récupère Merckx… qui refuse de la porter le lendemain. Le Belge va finalement gagner son 3e Tour de suite. MATHIEU FAURE