Monaco-Matin

L’envol attendu

Ancien sauteur à skis, Primoz Roglic s’est emparé de l’étape à Orcières-Merlette et confirme qu’il est le favori numéro un du Tour

- À ORCIÈRES-MERLETTE MATHIEU FAURE (Photos AFP/EPA/DR)

Sans une chute sur le tremplin à skis de Planica en Slovénie en 2007, Primoz Roglic n’aurait sans doute pas, ce matin, l’étiquette de favori n°1 au Tour de France. « La hiérarchie du Tour reste la même, cette victoire d’étape ne change rien, lance-t-il au micro d’Eurosport après sa brillante victoire, hier, sur la première arrivée en altitude. Que le maillot reste à Julian Alaphilipp­e, c’est quelque chose que je dois accepter. On a couru pour gagner l’étape ».

Plus tard, il ira pourtant plus loin : « L’objectif ultime est d’être en jaune à Paris ». C’est dit. Et assumé. Bizarremen­t, le vainqueur d’Orcières-Merlette a longtemps rêvé de suivre les ailes de ses illustres ainés Peter Prevc et Primoz Peterka, deux cracks des tremplins de ce pays tiraillé entre l’influence italienne, autrichien­ne et celle de l’Europe de l’Est.

Trois heures de saut à skis par jour

Jeune, Roglic fait ses classes au centre de formation de Kranj où il s’enfile trois heures de saut à skis par jour. Le vélo y est interdit pour ne pas perdre en explosivit­é.

Le jeune Primoz est prometteur un titre de champion du monde junior par équipe en 2007 – mais pas suffisamme­nt pour aller chercher l’or olympique. Et puis la chute de 2007, terrible, change tout. Le verdict est violent : nez cassé et commotion cérébrale. Durant sa rééducatio­n, il trouve un petit job de colporteur à vélo mais c’est surtout le début d’une nouvelle carrière que ses parents ne voient pas forcément d’un bon oeil.

Coureur profession­nel ? Un sacré pari. D’autant que le jeune part dans l’inconnu.

A  ans, il découvre le cyclisme profession­nel

Nous sommes en 2011 et à 22 ans, sa première course est un OVNI, il en oublie même de boire et de manger, là, au coeur du peloton dans une course locale. Ses parents se posent alors beaucoup de questions, Maman est assistance dans un cabinet dentaire, papa ouvrier. Mais petit à petit, le potentiel de ce bon grimpeur dépasse les frontières slovènes. En 2016, le voilà chez Lotto-Jumbo. On le dit très prometteur. Ses premières sorties le sont mais la suspicion le rattrape rapidement. Un reportage de Stade 2 le soupçonne d’utiliser un vélo à moteur durant un contre-la-montre sur le Giro 2016... Roglic, naturellem­ent, n’a pas aimé mais France 2 a refusé de s’excuser.

Depuis, le coureur traine ça comme un boulet. D’autant qu’en 2017, André Greipel en remet une couche et le vilipende pour s’être abrité derrière les motos durant un contre-la-montre au Portugal lors du Tour d’Algarve. Pour se débarrasse­r d’une sale réputation, il faut gagner des courses. Alors Roglic commence à dépoussiér­er son armoire à trophées.

Impression­nant au Dauphiné

En moins de trois ans, il braque tout ce qui bouge : Vuelta 2019, Tour du Pays Basque 2018, Tour de Romandie 2018 et 2019, Tirreno-Adriatico 2019 et trois étapes sur le Tour de France, les trois seules remportées par la Slovénie dans l’histoire de la Grande boucle.

Quatrième du général en 2018, Roglic se sait attendu sur les routes françaises pour l’édition 2020. Lors de son bizutage en 2017, son directeur sportif de l’époque Nico Verhoeven avouait que son coureur avait le « potentiel pour faire dans les cinq premiers du Tour de France mais sur trois semaines on ne sait pas. Je ne sais pas où se trouve sa limite. »

Personne ne le sait encore. Mais en 2020 le Slovène semble avoir changé de braquet, porté par une équipe qui assomme la concurrenc­e.

Depuis le déconfinem­ent, la Jumbo a survolé le Tour de l’Ain (7-9 août) avant de dynamiter les routes du Dauphiné (3 étapes sur 5). Sans une chute qui a dû le contraindr­e à l’abandon, Roglic aurait d’ailleurs remporté cette grande répétition au Tour. La suite ? Du bluff puisque sa participat­ion au Tour a été mise en suspens. Sa probante victoire, hier, confirme que le garçon n’a rien d’un homme blessé.

« Je vais de mieux en mieux mais je ne suis pas encore totalement à mon niveau du Dauphiné tempèret-il. Cela montre que je suis de retour en compétitio­n. »

Roglic est un homme discret, qui parle un anglais correct et qui ne se souvient plus très bien du sens de la citation en latin qu’il s’est fait tatouer sur son bras, non loin d’une croix.

Mais sur un vélo, rien n’est laissé au hasard, tel un sauteur à skis qui doit connaître son corps par coeur avant de s’envoler. Pour Roglic, l’atterrissa­ge idéal se situe sur les Champs-Élysées, le 20 septembre. En jaune.

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