Monaco-Matin

« Pinot peut gagner le Tour »

Brice Feillu, jeune retraité du cyclisme, n’a pas quitté la Grande Boucle pour autant. Pour cette 107e édition, l’ex-grimpeur porte les couleurs de Leclerc, sponsor du maillot à pois

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN LARONCHE

Brice Feillu a raccroché le vélo en fin de saison dernière, après dix ans de profession­nalisme. Mais le Varois d’adoption, installé à Roquebrune-sur-Argens, reste sur le Tour quand même. Sur cette Grande Boucle, l’ancien grimpeur est chauffeur “VIP-hospitalit­é” pour la marque Leclerc, sponsor du maillot à pois, ce maillot qu’il avait porté sur le Tour 2009 après sa victoire d’étape à Andorre-Arcalis.

Etre pilote pour les invités, c’est une première pour vous ?

Bien évidemment. Je n’ai jamais fait ce genre de choses auparavant. C’est trois semaines, c’est assez costaud. On est plusieurs chauffeurs pour Leclerc, dont Jean-Philippe Dojwa (e du Tour ) et Jean-Christophe Péraud (e du Tour ). Deux anciens coureurs comme moi. Je conduis et explique les faits de course aux invités.

Vous êtes ici parce que vous avez été un ancien porteur du maillot àpois?

Non, c’est un hasard. Armindo Fonseca, un ancien coureur et un bon copain, a fait le Tour avec Leclerc. Il ne pouvait pas le faire cette saison alors il a donné mes coordonnée­s et je me suis lancé. C’est ma première saison de jeune retraité. J’ai toujours envie de me lancer dans l’immobilier, avant de prendre une agence à mon nom. Mais comme je n’avais encore rien d’installé, j’ai accepté de faire le Tour. Je devais attaquer ma nouvelle activité plus tôt, mais j’ai tout décalé. Ça fait bizarre de passer de coureur à suiveur, mais ça me plaît, on fait toujours des bonnes rencontres, notamment des personnali­tés qui aiment le vélo et qui souhaitent venir voir le Tour autrement.

La page de votre carrière profession­nelle est-elle définitive­ment tournée ?

Oui, j’ai relativeme­nt vite tourné la page. Parfois, quand je regarde des courses à la télévision, ça fait envie… Mais le vélo c’est compliqué. Ça peut donner envie de l’extérieur quand il fait beau, mais dès que le mauvais temps s’en mêle… Ça peut être piégeux, il y a des virages dangereux. J’ai fait une carrière correcte. J’aurai bien aimé continuer mais dans d’autres circonstan­ces, dans une équipe qui pouvait me permettre de faire des grands Tours ou des jolies courses.

Est-ce facile de s’adapter à votre nouvelle vie ?

Coureur, on part en moyenne  jours de l’année, ça fait beaucoup. Quand on construit une vie de famille, c’est difficile. Ça me manquait d’être chez moi… Ça devenait de plus en plus dur de partir sur les courses, de laisser les enfants. Quand je reste chez moi, je suis content d’être avec mes filles, Olivia et Rose, qui ont  et  ans. Ça compte aussi. C’est un autre rythme aussi. Avec ma compagne, on n’avait pas besoin de s’éloigner pour mieux se retrouver. Les voyages, au fond, ça ne me manque pas trop. Tu prends beaucoup l’avion, le train… Je viens de la campagne, ça ne me manque pas tous ces trajets. Et puis, même si je ne suis pas un grand fou au niveau des écarts alimentair­es, je peux maintenant m’autoriser des petits plaisirs également. C’est drôle car je n’ai pas pris de kilo depuis ma retraite. J’ai fait trois mois sans vélo l’hiver dernier et puis le sport m’a manqué. Je voulais me remettre au triathlon aussi, notamment en longue distance.

Histoire de retrouver le goût de la compétitio­n officielle ?

J’avais envie de faire des petits résultats, c’est mon côté compétiteu­r. Avec le triathlon, tu peux partir en famille en plus. On voulait faire l’Embrunman, on avait loué un camping-car avec ma famille, on partait une semaine, etc. Bon, ça a été annulé, donc on a juste passé des vacances, sans la compétitio­n. Mais pour me préparer, j’ai repris pas mal le vélo aussi après le confinemen­t. En juin, j’avais le niveau de l’an passé à la même époque. Si ce n’est même mieux. Alors si une équipe est intéressée je pourrai éventuelle­ment resigner un contrat (rires).

C’est important de se fixer des buts précis ?

On a besoin d’objectifs pour avancer. Tant que je n’aurai pas lancé mon après-carrière profession­nelle de façon définitive, j’ai besoin de me fixer des objectifs sportifs. Mais je me vois bien me lancer dans l’immobilier à Roquebrune-surArgens ou Fréjus, j’ai des touches. Quand je vais réellement m’investir dans l’immobilier, ça sera difficile de préparer des triathlons de manière profession­nelle. Il vaut mieux faire une chose vraiment bien que deux choses tous azimuts et que ça ne ressemble pas à grandchose. Je ferai toujours du sport pour avoir une énergie mentale. J’ai quand même acheté un vélo de chrono, limite triathlon, mais quand j’ai appris l’annulation de l’Embrunman, et d’autres courses, ça m’a tellement démotivé que je l’ai revendu.

On verra plus tard.

Vous étiez dans une structure ?

J’étais licencié au club de SaintRapha­ël Triathlon. T’as accès à la piscine olympique de SaintRapha­ël d’ailleurs, qui est très bien. Sur le vélo, c’est plus dur car il faut se rassembler… La course à pieds, ça m’embête de prendre ma voiture pour aller courir. Je préfère le faire en partant de chez moi.

Un mot sur ce Tour  ?

Je le vois décousu, avec la traversée des cinq massifs français, ce qui est chouette. L’étape entre l’île d’Oléron et l’île de Ré, ça promet... Le profil de ce Tour est très montagneux, il peut se passer beaucoup de choses sur chaque étape. Surtout si les conditions climatique­s sont délicates. Avec le confinemen­t, il y a beaucoup de coureurs qui vont avoir du mal mentalemen­t. Les home-trainers ont permis de garder un certain niveau physique mais c’est usant mentalemen­t. On peut assister à de grosses défaillanc­es à partir de la deuxième semaine. La troisième semaine peut être terrible, certains peuvent voler en éclats.

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Ça devenait de plus en plus dur de partir sur les courses. ”

La troisième semaine peut être terrible, certains peuvent voler en éclats. ”

Il y a une grosse attente derrière Thibaut Pinot. Vous l’imaginez très haut ?

J’aimerais le voir réussir. C’est quelqu’un que j’apprécie. Il court d’une bonne façon, il n’est froissé avec personne dans le peloton. Quand tu es apprécié, on a tendance à plus te laisser partir quand tu attaques. On l’a vu dans le Dauphiné où Warren Barguil l’a un peu aidé. Les Français doivent être soudés. Pinot a une belle carte à jouer. Il peut gagner le Tour, mais ce n’est pas mon favori numéro …

C’est qui ?

Roglic. Surtout après ce qu’il vient de démontrer au Dauphiné. Dommage que Pavel Sivakov chute sur la première étape, parce qu’il était très fort aussi.

Il était la roue de secours de l’équipe si Bernal coinçait. Froome, qui vient d’acheter un bien dans le Var, m’en a dit le plus grand bien après un stage en montagne car on s’est entraîné ensemble sur Saint-Raphaël.

Comment était Froome ?

On a roulé deux fois ensemble. Je n’étais pas à mon meilleur niveau, mais je l’ai trouvé vraiment fort. Surtout qu’il revient d’une grosse blessure. C’est sans doute sa façon de s’entraîner, mais il appuyait pas mal sur les pédales.

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(Photo R.L.) Brice Feillu, à l’heure du grand départ à Nice, est chauffeur pour la marque Leclerc sur ce Tour.
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