Monaco-Matin

Maison squattée : l’enfer d’un couple de retraités

Lorsqu’Henri Kaloustian a voulu entrer dans sa maison de vacances, les serrures avaient été changées. La porte s’est ouverte sur une famille qui s’était installée. Récit d’un calvaire

- CHRYSTÈLE BURLOT cburlot@nicematin.fr

Deux couples se disputent devant une maison. L’un est propriétai­re. L’autre squatteur. Qui dormira là ce soir ?

Contre toute attente depuis le  août, ce sont les squatteurs qui occupent les lieux avec l’accord des autorités. Incompréhe­nsible.

Il y a deux jours, Nice-Matin assistait à la dispute en question. À la suite aussi. Récit.

Mardi, 14 h 30 devant le 6 de l’avenue Roc et Mimosa… Henri Kaloustian, attend dans sa voiture. Ce Lyonnais de 75 ans souffrant de troubles cardiaques est le propriétai­re, depuis 36 ans, de la petite maison accrochée à l’Estérel. Seulement voilà, depuis quinze jours, il ne peut plus y entrer : des squatteurs se sont installés de force et ont changé les serrures. « Le premier soir, j’ai dormi dans ma voiture en face de la maison en les regardant dîner sur la terrasse...» dit-il, complèteme­nt défait.

À notre arrivée, le couple de squatteurs vient à notre rencontre.

Dans leur voiture, deux enfants en bas âge attendent. Un troisième est en route apprendra-t-on plus tard : madame est enceinte de quatre mois.

La tension monte

Chacun reprend les mêmes arguments de la première rencontre. Et bien sûr, le ton monte. Le propriétai­re est aux abois. Il crie à l’incompréhe­nsion et l’injustice, il tremble. « C’est une violation de domicile, je veux que vous me rendiez ma maison… » En face, les squatteurs restent calmes, expliquent qu’ils « n’avaient pas de quoi dormir. » Quelqu’un leur a « donné les clefs », ils se sont installés.

Henri Kaloustian n’en peut plus. De temps en temps son épouse, folle de rage, sort de la voiture. Systématiq­uement son mari lui somme de rentrer, de se calmer. La conversati­on dure une dizaine de minutes. En boucle. « Nous nous sommes déjà expliqués sur tout cela. Il n’y a plus rien à dire, il faut attendre la décision de la justice… » dit la mère de famille.

Des menaces proférées

Mais Henri Kaloustian trépigne. Il veut que cela soit réglé tout de suite. Il a peur que la situation s’installe des mois, des années, que sa maison soit saccagée.

Alors des menaces de régler cela par la force sont proférées de chaque côté et la conversati­on tourne court. Le couple prend sa voiture et s’éloigne. Le propriétai­re montre les courriers envoyés au maire de la commune, au préfet. Il souffle un peu. C’est alors que son téléphone sonne. Les services de la mairie lui proposent – comme le couple de squatteurs est sorti – de reprendre possession des lieux. Tout le monde a rendez-vous devant la maison.

Deux policiers municipaux se mettent en faction. Le directeur général des services de la commune est présent : « nous voulons porter assistance à un administré de notre commune qui se trouve en difficulté­s » explique-t-il.

Les Kaloustian sont invités à monter leurs affaires sur la terrasse. Un serrurier est attendu. « Mais nous avons peur. Peur que si nous nous installons, ils reviennent et s’en prennent à nous », dit la dame. Le DGS lui certifie qu’un agent de surveillan­ce passera la nuit devant la maison avec un chien. Informés de la situation, les gendarmes débarquent. Ils accompagne­nt le couple de retraités eux aussi.

Quelques minutes plus tard, les suqtteurs reviennent. Monsieur arrête la voiture en pleine voie devant la maison, descend et se dirige vers le portail comme si de rien était. Il se fait intercepte­r par les gendarmes et policiers. Les discussion­s, interjecti­ons, interpella­tions reprennent. Puis le téléphone de l’une des deux gendarmes sonne.

Et tout bascule…

« Faites attention en allant acheter votre pain »

« Nous avons ordre de vous laisser entrer dans la maison le temps qu’une décision de justice soit prise » intervient le plus calmement possible la gendarme. « Cela veut dire que nous rentrons et qu’eux sortent ? » demande la femme des squatteurs.

« C’est cela. Le temps que la justice décide »

Puis elle monte prévenir le couple de propriétai­res.

Henri Kaloustian est sans voix. Il s’exécute et nous dit. « Je repars pour Lyon. Il est hors de question que je dorme à l’hôtel ou dans ma voiture comme précédemme­nt, nous reprenons la route. »

Alors, le serrurier qui vient d’arriver repart. Les policiers municipaux sont envoyés sur d’autres missions, les gendarmes rentrent à la caserne. Tout ce petit monde garde de cet après-midi un goût amer, une incompréhe­nsion totale. Une colère sourde aussi envers le système qui ne répond pas à cette situation tellement injuste.

« Vous habitez où ? » nous demande un policier municipal sarcastiqu­e.

« Faites attention demain en allant chercher votre pain, qu’on ne vous vole pas votre maison… »

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(Photo Sébastien Botella) Une petite maison qui les accueille depuis  ans pour les vacances...

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