Covid- et tests PCR : dans la démesure ?
« On est dans une course effrénée » : pris littéralement d’assaut pour les tests Covid, les laboratoires de biologie médicale azuréens appellent à mieux fixer le cadre et à prioriser. D’urgence
Tout le monde veut un test PCR. Pour tout. Et pour rien. » Même s’ils n’ont cessé au cours des derniers mois d’augmenter leurs capacités de production pour répondre aux besoins, les laboratoires de biologie médicale peinent à répondre à une demande qui, de l’avis même du Dr Vincent Raimondi, directeur général de Cerballiance Côte d’Azur, « devient irraisonnée ». «On est dans une course effrénée ; chaque jour, on nous en demande plus que la veille. Et on ne peut même pas se dire : tout ça prendra fin dans un, trois ou six mois, puisque l’on n’a aucune visibilité. Dans ce contexte, on n’a d’autres choix que de prioriser. On teste d’abord les personnes symptomatiques, les personnes contacts, les salariés et les patients devant subir une intervention chirurgicale dans l’un ou l’autre de nos établissements partenaires : hôpitaux, Ehpad… Là, on essaie de rendre les résultats le plus rapidement possible, en 24 heures au plus tard. On répond ensuite aux demandes émises par l’Agence régionale de santé (ARS). Dans tous les autres cas, on est obligés de récuser les demandes ou d’envoyer les prélèvements à notre maison mère, en prévenant que les délais de réponse vont être longs. »
Plus de 1 000 demandes de tests se verraient ainsi opposées chaque jour un « non », par ce seul groupe de laboratoires. « Lorsqu’on récuse des demandes, ou que l’on prévient que les délais vont être longs, les patients ne comprennent pas toujours. Accès de colère, insultes, voire menaces : tous les jours, le personnel des laboratoires subit les conséquences de cette situation de tension… » Avec 1 200 à 1 500 tests réalisés chaque jour, les laboratoires Cerballiance se disent aujourd’hui à 110 % de leurs capacités. Et ce serait le cas de tous les laboratoires de biologie azuréens.
Recruter du personnel
Parce que prévoir, c’est déjà agir, le laboratoire Cerballiance procède à un agrandissement de ses locaux et à un recrutement de personnel dans l’objectif d’atteindre, d’ici le mois d’octobre, 2 500 prélèvements par jour avec un délai raccourci. « Et nous réfléchissons déjà à la possibilité de proposer jusqu’à 4 000 tests par jour d’ici le mois de décembre dans l’hypothèse où la demande devait encore croître. » Et il est plus que probable que cela sera le cas : le Premier ministre Jean Castex et son ministre de la Santé Olivier Véran annonçaient jeudi 27 août, vouloir placer la France dans le « peloton de tête » des pays qui testent le plus, avec un objectif à court terme de 1 million de tests de la Covid-19 par semaine.
● « En finir avec les tests inutiles »
De l’avis même des laboratoires de biologie médicale qui ont pourtant vu dans ces tests diagnostiques, une opportunité de développement, une réglementation doit d’urgence être fixée. « Attention à la gabegie. Il faut en finir avec les tests inutiles, répétés sans motif, ou requis pour des motifs comme un voyage à l’étranger…
», alerte le Dr Raimondi. Des tests qui ont un coût, aujourd’hui entièrement à la charge de l’Assurance-maladie, autrement dit de la collectivité : plus de 500 000 euros par jour pour les seules Alpes-Maritimes ! « La demande pourrait être maîtrisée, et la charge partagée par les touristes étrangers, les voyageurs, ou encore par les entreprises qui soumettent leurs salariés à un dépistage non organisé pour accompagner la reprise », propose le Dr Raimondi.
● Mettre en place un « filtre » via les tests sérologiques
Selon le biologiste, une autre décision « courageuse » consisterait à mettre en place un « filtre » via les tests non plus PCR, mais sérologiques (mesurant les anticorps contre le virus). Seul hic : l’utilité de ces tests, destinés à évaluer si une personne a été en contact dans un passé proche ou plus lointain avec un virus, est encore interrogée dans le cas de la Covid-19. Il n’est en effet pas prouvé à l’heure actuelle que la présence d’anticorps protège d’une nouvelle contamination. « Personne n’ose dès lors dire : “oui, ils sont protecteurs”, et c’est un système sans fin ! » , regrette le biologiste, avant de proposer : «On doit prendre ce risque, réaliser des tests sérologiques plus largement – sur prescription médicale – et concentrer nos efforts sur les patients négatifs [qui n’ont pas été en contact avec le virus, et qui sont donc susceptibles de se contaminer et développer une infection, Ndlr] .»
● Vigilance dans les Ehpad
Sujet d’inquiétude croissante : la progression des contaminations dans les Ehpad, même si elle était prévisible. « Pendant trois mois, on n’en comptait quasiment plus. Mais, après la période très difficile du confinement, les résidents ont recommencé à sortir, à revoir leurs familles. Sans porter de jugement, on peut comprendre ces comportements, tout cela a contribué à faire circuler le virus. Aujourd’hui, on ne note heureusement quasiment pas de cas graves parmi ces populations. Il est possible que le virus soit moins virulent. Autre hypothèse : on sait que chez les patients fragiles, c’est souvent entre le 14e et le 21e jour que se produit la décompensation. Il faudrait alors s’attendre à une progression des cas graves dans les prochains jours. » Une hypothèse qui pointe encore davantage la nécessité de cibler, de prioriser alors que le premier enseignement de cette crise reste : les personnes très âgées et/ou fragiles sont les principales cibles du virus.