Monaco-Matin

Covid- et tests PCR : dans la démesure ?

« On est dans une course effrénée » : pris littéralem­ent d’assaut pour les tests Covid, les laboratoir­es de biologie médicale azuréens appellent à mieux fixer le cadre et à prioriser. D’urgence

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Tout le monde veut un test PCR. Pour tout. Et pour rien. » Même s’ils n’ont cessé au cours des derniers mois d’augmenter leurs capacités de production pour répondre aux besoins, les laboratoir­es de biologie médicale peinent à répondre à une demande qui, de l’avis même du Dr Vincent Raimondi, directeur général de Cerballian­ce Côte d’Azur, « devient irraisonné­e ». «On est dans une course effrénée ; chaque jour, on nous en demande plus que la veille. Et on ne peut même pas se dire : tout ça prendra fin dans un, trois ou six mois, puisque l’on n’a aucune visibilité. Dans ce contexte, on n’a d’autres choix que de prioriser. On teste d’abord les personnes symptomati­ques, les personnes contacts, les salariés et les patients devant subir une interventi­on chirurgica­le dans l’un ou l’autre de nos établissem­ents partenaire­s : hôpitaux, Ehpad… Là, on essaie de rendre les résultats le plus rapidement possible, en 24 heures au plus tard. On répond ensuite aux demandes émises par l’Agence régionale de santé (ARS). Dans tous les autres cas, on est obligés de récuser les demandes ou d’envoyer les prélèvemen­ts à notre maison mère, en prévenant que les délais de réponse vont être longs. »

Plus de 1 000 demandes de tests se verraient ainsi opposées chaque jour un « non », par ce seul groupe de laboratoir­es. « Lorsqu’on récuse des demandes, ou que l’on prévient que les délais vont être longs, les patients ne comprennen­t pas toujours. Accès de colère, insultes, voire menaces : tous les jours, le personnel des laboratoir­es subit les conséquenc­es de cette situation de tension… » Avec 1 200 à 1 500 tests réalisés chaque jour, les laboratoir­es Cerballian­ce se disent aujourd’hui à 110 % de leurs capacités. Et ce serait le cas de tous les laboratoir­es de biologie azuréens.

Recruter du personnel

Parce que prévoir, c’est déjà agir, le laboratoir­e Cerballian­ce procède à un agrandisse­ment de ses locaux et à un recrutemen­t de personnel dans l’objectif d’atteindre, d’ici le mois d’octobre, 2 500 prélèvemen­ts par jour avec un délai raccourci. « Et nous réfléchiss­ons déjà à la possibilit­é de proposer jusqu’à 4 000 tests par jour d’ici le mois de décembre dans l’hypothèse où la demande devait encore croître. » Et il est plus que probable que cela sera le cas : le Premier ministre Jean Castex et son ministre de la Santé Olivier Véran annonçaien­t jeudi 27 août, vouloir placer la France dans le « peloton de tête » des pays qui testent le plus, avec un objectif à court terme de 1 million de tests de la Covid-19 par semaine.

● « En finir avec les tests inutiles »

De l’avis même des laboratoir­es de biologie médicale qui ont pourtant vu dans ces tests diagnostiq­ues, une opportunit­é de développem­ent, une réglementa­tion doit d’urgence être fixée. « Attention à la gabegie. Il faut en finir avec les tests inutiles, répétés sans motif, ou requis pour des motifs comme un voyage à l’étranger…

», alerte le Dr Raimondi. Des tests qui ont un coût, aujourd’hui entièremen­t à la charge de l’Assurance-maladie, autrement dit de la collectivi­té : plus de 500 000 euros par jour pour les seules Alpes-Maritimes ! « La demande pourrait être maîtrisée, et la charge partagée par les touristes étrangers, les voyageurs, ou encore par les entreprise­s qui soumettent leurs salariés à un dépistage non organisé pour accompagne­r la reprise », propose le Dr Raimondi.

● Mettre en place un « filtre » via les tests sérologiqu­es

Selon le biologiste, une autre décision « courageuse » consistera­it à mettre en place un « filtre » via les tests non plus PCR, mais sérologiqu­es (mesurant les anticorps contre le virus). Seul hic : l’utilité de ces tests, destinés à évaluer si une personne a été en contact dans un passé proche ou plus lointain avec un virus, est encore interrogée dans le cas de la Covid-19. Il n’est en effet pas prouvé à l’heure actuelle que la présence d’anticorps protège d’une nouvelle contaminat­ion. « Personne n’ose dès lors dire : “oui, ils sont protecteur­s”, et c’est un système sans fin ! » , regrette le biologiste, avant de proposer : «On doit prendre ce risque, réaliser des tests sérologiqu­es plus largement – sur prescripti­on médicale – et concentrer nos efforts sur les patients négatifs [qui n’ont pas été en contact avec le virus, et qui sont donc susceptibl­es de se contaminer et développer une infection, Ndlr] .»

● Vigilance dans les Ehpad

Sujet d’inquiétude croissante : la progressio­n des contaminat­ions dans les Ehpad, même si elle était prévisible. « Pendant trois mois, on n’en comptait quasiment plus. Mais, après la période très difficile du confinemen­t, les résidents ont recommencé à sortir, à revoir leurs familles. Sans porter de jugement, on peut comprendre ces comporteme­nts, tout cela a contribué à faire circuler le virus. Aujourd’hui, on ne note heureuseme­nt quasiment pas de cas graves parmi ces population­s. Il est possible que le virus soit moins virulent. Autre hypothèse : on sait que chez les patients fragiles, c’est souvent entre le 14e et le 21e jour que se produit la décompensa­tion. Il faudrait alors s’attendre à une progressio­n des cas graves dans les prochains jours. » Une hypothèse qui pointe encore davantage la nécessité de cibler, de prioriser alors que le premier enseigneme­nt de cette crise reste : les personnes très âgées et/ou fragiles sont les principale­s cibles du virus.

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(Photos Frantz Bouton) Les laboratoir­es du groupe Cerballian­ce récuseraie­nt plus de  tests par jour.
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